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Rotincia - Accueil Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier

Description
du Canton de
Montdidier
par M. l'abbé Godart

Notes historiques et archéologiques sur les communes du canton > Laboissière, Boiteaux

Ce village, placé sur le bord d'un ravin, est distant de 9 kil. de Montdidier ; il était jadis entouré de bois, ce qui lui a valu son nom. Il possède une gare, assez éloignée des habitations, sur la ligne de Picardie et Flandres. Près de la station, se trouvent les bâtiments d'une importante fabrique de sucre : c'est la seule du canton.

Il est fait mention de Laboissière dans les titres anciens, mais avec différents changements dans la forme du nom ; ainsi Buxeria, en 1100, puis Bosseria dans un titre du cartulaire de Noyon, et enfin dès 1215, dans un dénombrement de la terre de Nesle, La Boissière. Depuis, le nom n'a plus subi que des altérations légères ; aujourd'hui, d'après l'orthographe adoptée, on écrit en un mot Laboissière.

La population compte 268 habitants ; la superficie du territoire est de 715 hectares.

Ce village était de l'élection de Montdidier et ressortissait au bailliage de Montdidier. Il ne se composait primitivement que de quelques maisons groupées autour de la forteresse dont nous parlerons plus loin. Il s'accrut par l'abandon du village de Boiteau dont Laboissière n'était qu'une dépendance.

BOITEAU, jadis Bostelli (1198), Boitiaux, Boistiaule était un village important situé entre Laboissière et le Forestil : on distingue encore la trace des rues. Il se trouvait à un kilomètre au sud de Laboissière. Il fut livré aux flammes en 1636 par les Espagnols. L'église seule fut épargnée ; mais les titres des biens de l'église et de ses anciennes fondations furent perdues. Les habitants, ayant reçu du prince de Vaudemont, de la maison de Lorraine, du terrain auprès du château et, croyant devoir s'y trouver plus en sûreté dans les moments de troubles, vinrent s'établir à Laboissière. Le village s'augmenta donc, mais il se ressentit longtemps de la gêne du premier établissement des habitants ruinés de Boiteaux. D'après une déclaration de 1728, Laboissière ne comptait que 70 maisons, sur lesquelles 30 étaient taxées de tailles et 4 seulement au dessus de 30 livres : ce qui indique une certaine misère.

Quoi qu'il en soit, les intérêts civils et religieux de Laboissière et de Boiteaux (nous avons dit que l'église subsistait) se confondirent. Les curés eux-mêmes vinrent s'établir à Laboissière, tout en se qualifiant pendant longtemps de curés de St Martin de Boiteaux ou de Boiteaux-Laboissière. L'église de Boiteaux était, paraît-il, une belle construction ; au XVIIIe siècle, la foudre tomba sur le clocher et endommagea la nef : il fallut démolir deux travées. La Révolution survint : l'église abandonnée tomba en ruines : les matériaux en furent vendus et dispersés. La charpente en bois de châtaignier fut achetée par Mr Chevalier, maître de poste à Montdidier et lui servit à la construction d'une grange qui subsiste encore à l'entrée du faubourg de Paris.

Une maison construite au commencement de ce siècle semblait devoir conserver le nom du village de Boiteaux : elle était placée sur la route de Montdidier à Roye. En 1870, pendant l'invasion prussienne, des coups de fusil ayant été tirés du bois voisin sur des uhlans, les Prussiens crurent que des francs tireurs pouvaient bien être cachés dans les bâtiments de la ferme ; ils la fouillèrent, trouvèrent dans un lit un vieux fusil. Le propriétaire, un nommé Julien, fut immédiatement saisi, ligoté, jeté dans une voiture, sans qu'on voulut entendre ses explications, et mené à Montdidier. Les Prussiens ne parlaient rien moins que de fusiller pour l'exemple cet homme inoffensif. Il ne fallut rien moins que l'intervention du maire pour empêcher cette atrocité. On lui laissa donc la vie, mais on brûla la maison et ses dépendances. Le dernier vestige de Boiteaux disparaissait comme avait disparu, deux siècles auparavant, le reste du village : au milieu d'une invasion.

Pour terminer tout ce qui regarde Boiteaux, disons qu'en 1204 une contestation s'éleva entre la ville de Montdidier et les habitants dudit village, relativement au droit de travers. Par sentence de Philippe Auguste rendue à Paris le 4 juin de la même année, les gens de Boiteaux furent déclarés exempts de ce droit quand ils transporteraient des choses nécessaires à la vie ou qui auraient poussé dans leur héritages, mais condamnés à le payer pour tout ce qui était l'objet de commerce. On sait que ce droit fut aboli de bonne heure.

Le chef lieu de la seigneurie fut toujours à Laboissière. Il y existait de temps immémorial une forteresse qui présentait de très forts moyens de défense ; il reste quelques vestiges des fossés larges et profonds qui l'entouraient. Ce château fut ruiné pendant les guerres du XVe siècle. Plus tard, sur le même emplacement, on bâtit un château d'assez triste apparence : la façade est flanquée d'une tour de forme octogonale, toute garnie actuellement de lierre. De la plate-forme, on jouit d'un panorama splendide sur le Santerre. Cette tour sert de cage à un escalier en spirale : la voûte en briques qui le soutient est d'un travail admirable ; les architectes viennent l'étudier.

La seigneurie de Laboissière paraît avoir appartenu d'abord à des seigneurs de ce même nom. Dès l'an 1314, Jehan, sire de Laboissière, paraît à une espèce de ligue formée par les seigneurs contre le roi : les confédérés se promettaient assistance et s'engageaient à ne consentir aucun impôt ni aide de guerre qu'on n'eut reconnu d'abord la justice de ces levées. Douze chevaliers picards et douze chevaliers bourguignons ou champenois devaient chargés de ce soin (V. de B.).

Un siècle plus tard, nous trouvons Florent de Laboissière, chevalier ; c'est lui qui fonda la chapelle dont il sera question plus loi. La pierre tombale de sa femme était dans l'église de Boiteaux ; elle portait l'inscription suivante :
+ Chy gist dame .. seine de mon seigneur Florent de la Boissière, ky trépassa l'an de l'Incarnation de notre Seigneur mil CCCLXVII . les . may.
Sur cette pierre était la figure d'une femme. A côté était représenté un garçon avec l'inscription : Chy gist Robert son frère.

En 1371, Thiébault, seigneur de la Boissière, fils de Florent, chevalier, augmenta la dotation de la chapelle. Une pierre tombale placée au milieu de l'église disparue portait l'inscription qui suit : Chy gist dame Jehane femme de mon seigneur Thiebault de la Boissière, chevalier, qui trépassa l'an .. le 1er juignes. priez pour .

 

En 1430, quand les Anglais et les Bourguignons eurent levé le siège de Compiègne, tous les pays environnants se soumirent aux gens du roi Charles VII : de ce nombre furent la Boissière et Guerbigny. Quand Xaintrailles, après avoir fait essuyer aux Anglais un sanglant échec près de Bouchoir et avoir débarrassé le pays de ces bandes de pillards, crut pouvoir quitter Guerbigny, il dégarnit de sa garnison le château de Laboissière et, pour qu'il ne put servir de refuge à l'ennemi, livra cette forteresse aux flammes et de là regagna Compiègne.

En 1574, la seigneurie de Laboissière était passée aux mains de Foursy de Hauteville, lequel épousa Marie Robert ; il en eut un fils Claude Hauteville, lequel hérita de la terre et seigneurie. En mourant, ce dernier ne laissait qu'une fille, laquelle épousa Guillaume de Lannoy. Christophe de Lannoy, fils du précèdent, épousa à son tour Charlotte de Villers St Pol. En 1594, pendant les guerres de la Ligue, il avait pris le parti du roi. Il voulut donc surprendre Montdidier afin de rendre la ville à Henri IV. Ses soldats se disposaient à escalader la muraille derrière le Prieuré lorsque, malgré toutes les précautions prises, ils furent découverts par un moine qui était en sentinelle et qui donna l'alarme. Le coup était manqué : les assaillants durent se retirer au plus vite. Christophe de Lannoy mourut à Paris en 1600 et fut inhumé à Amiens où un magnifique mausolée recouvre ses restes. Il avait été gouverneur d'Amiens.

Charles, son fils, hérita de ses biens. Il ne laissa qu'une fille, Anne Elizabeth, qui par son mariage avec Charles III de Lorraine, duc d'Elbeuf, fit passer les seigneuries de Laboissière et de Marquivillers dans la maison de Lorraine.

Vers le commencement du XVIIIe siècle, la terre et seigneurie fut achetée par René Boutin qui, en 1722, était conseiller au Parlement, receveur général des finances de Picardie. Il eut pour femme Françoise Elizabeth Landrin. Dans son testament, il ordonna qu'après sa mort une somme de cinquante mille livres fut distribuée aux pauvres des paroisses et terres dont il était seigneur : il s'intitulait seigneur de Laboissière, Diencourt et autres lieux.

Son fils, Denis Boutin, fut un bienfaiteur de l'église : c'est lui qui fit faire le retable d'autel et garnir de lambris les deux côtés de l'église.
Boutin portait : d'azur à 2 épées en sautoir d'argent enrichies d'or et cantonnées de 4 étoiles d'argent (Man. Scellier).

Il vendit en 1751 la terre de Laboissière à Mr Cavé d'Haudicourt, conseiller à la Cour des Monnaies (les Cavé d'Haudicourt portaient : de gueules à 3 étoiles d'or, 2 et 1). Celui-ci n'ayant qu'une fille, laquelle épousa en 1761 Antoine François Le Caron de Choqueuse, seigneur de Marieux et lui apporta en dot la terre de Laboissière. De ce mariage naquit Antoine Pierre Marie Le Caron de Choqueuse mort en 1855. Il avait épousé Pauline Ducroquet de Guyencort, de qui il eut plusieurs filles. L'une d'elles, Marie Louise La Caron de Choqueuse épousa le Comte Alfred de Soussaye, mort en 1879 (originaire de Bretagne). De ce mariage naquit Arthur de Soussaye, propriétaire actuel du domaine de Laboissière. Sa femme, Sidonie Marthe Françoise de Cornazet est morte en 1885, après lui avoir donné.

L'église actuelle, sous le vocable de St Fiacre, n'a aucun caractère : c'est une des plus pauvres du canton. S'il faut en croire une date gravée sur la muraille, elle a du être bâtie en 1520. En tout cas, elle servit de chapelle de secours, après que Boiteaux eut été incendié. Il n'y a l'intérieur que les fonts baptismaux qui puissent attirer l'attention. La cuve est très ornée : les coins arrondis se terminent en cul de lampe du plus gracieux effet. Aux quatre angles du pied qui supporte le cuve sont des figures, deux d'anges et deux d'animaux, reliées par des guirlandes. Ces fonts sont du style de la Renaissance et ont du être faits en même temps que ceux de Piennes et de Fescamps.

Le clocher renferme trois cloches : la plus grosse conservée au moment de la Révolution, porte l'inscription suivante: L'an 1788, nous avons été bénite par Me Jean Baptiste Masson et nommée Louise par Me Louis Charles Delarougé fermier du domaine et Louise Masson - parrain et marraine - Antoine François Le Caron de Choqueuse seigneur et Marie Françoise Julie Cavé d'Haudicourt, dame dudit lieu - Cuvillier Florentin fondeur.

La seconde nommée Pauline eut pour parrain Mr Antoine Marie Le Caron de Choqueuse et pour marraine Pauline Ducroquet de Guyencourt son épouse.

La troisième s'appelle Julie - parrain et marraine : Me Frédéric Paucellier de Feretelle et Julie Triboulet, Vve de Mr Thomas Paucellier, sa mère. Ces deux cloches ont été fondues en 1826 par Nicolas Cavilier de Carrépuits.

 

Il existait autrefois pour le château de Laboissière une chapelle sous le titre de Ste Catherine. Elle fut fondée en 1327 par Florent, seigneur du lieu qui lui assigna 20 liv. de rentes à prendre sur neuf bouviers (bovaria) 1/2 de terre, situés au terroir de Laboissière. Le fondateur s'était réservé, pour la 1re fois, le droit de présentation à ladite chapelle. Il présenta donc son cousin Me Jean de la Boissière au seigneur Evêque d'Amiens avec prière de le recevoir. Après la mort dudit chapelain, la collation de ladite chapelle devait appartenir perpétuellement audit seigneur Evêque et à ses successeurs de plein droit sans que les héritiers du fondateur puissent réclamer. L'acte original subsiste aux archives départementales, avec le sceau de cire verte de Florent de Laboissière.

En 1371, Thiebaut, pour augmenter les revenus de la chapelle castrale, lui donna 38 journaux de terre ou environ situés au terroir de la Motte de Guerbigny en une pièce (Arch. Dép.) : il y a à cet acte trois lais en parchemin avec sceaux dont un seul de cire brune subsiste à peu près intact. Une chapelle a été rebâtie il y a quelques années par les soins de Mr ... . Le curé de Laboissière y va dire la messe.

La paroisse de Laboissière, appartenait au doyen de Davenescourt. La cure, d'après la déclaration du titulaire en 1728, valait 500 liv. Il s'intitulait curé vicaire perpétuel. La cure était à la collation des dames du Val de Grâce à cause de l'union avec St Corneille de Compiègne. Me Ad. Falentin accompagne la déclaration des revenus de la cure d'une note que nous reproduisons : "On dit que la chapelle St Fiacre de la Boissière où l'on fait tout l'office divin et où l'on administre les sacrements, comme à Boiteaux où l'église seule subsiste, dépend de Mgr l'Evêque d'Amiens. Je ne scay (cependant je souhaite de savoir) si Mgrs les Evêques d'Amiens abandonnèrent la dîme de la Boissière qui n'est plus considérable au curé qui dessert La Boissière, vu que les religieux bénédictins de St Corneille de Compiègne, curés primitifs de Boiteaux, considèrent La Boissière comme son secours. Et ils ont abandonné, disent-ils, la dîme de La Boissière au curé vicaire perpétuel de Boiteaux comme supplément de portion congrue de  300 livres, laquelle devrait être de 450 livres (ce qui n'est pas) à cause du bis cantat". Ces derniers mots nous font supposer que le curé faisait un double office le dimanche, l'un à la chapelle, aujourd'hui église St Fiacre, l'autre dans l'église restée debout à Boiteaux, afin de favoriser la dévotion des personnes désireuses d'aller, après la messe, prier sur les tombes de leurs parents enterrés dans le cimetière du village ruiné. La même note rappelle que, depuis l'incendie de 1636, les curés de Boiteaux ont demeuré à Laboissière. "Le curé, est-il dit, habite aujourd'hui une maison que Me Boutin a acheté en 1702 : elle est chargée de 2 sols de censives et de 2 obits solennels fondés vers 1675 par François Parent.

 

Voici les noms des plus anciens curés connus : nous les avons pris dans une courte notice qui a paru en 1879 dans le Journal de Montdidier

1560        Fiacre Maguière. Il fut inhumé dans l'église de Boiteaux

1583        Pierre de Conchy

1587        Fiacre Ployart

1612        Jean Thévenart. Il fut le témoin attristé de la ruine de sa paroisse et mourut à la suite de l'émotion qu'il en éprouva.

1637        Pierre Thévenart

1648        Martin Dumont, qui plus tard fut curé de Villers les Roye

1654        Jacques Le Vasseur

1686        Antoine Clément Fordinois. Par un sentiment d'humilité assez rare, il ordonna dans son testament qu'on l'inhumât dans le cimetière de la Boissière, dessous la gouttière.

Les registres de catholicité nous donnent les noms suivants :

1701        Florent de Lestocq : il était de Montdidier

1712        Adrien Valentin. C'est l'auteur de la note que nous avons citée plus haut.

1756        Jean Baptiste Masson, auparavant curé de Fescamps. C'est le dernier avant la Révolution. Il se retira pendant ces jours de trouble à Davenescourt son pays natal et s'y tint caché. Il revenait souvent la nuit à sa paroisse pour y administrer les sacrements. Il reprit son ministère quand les jours de calme furent revenus. Nous retrouvons ensuite :

1819        .. Delaporte

1832        A. A. Gauthey

1838        .. Ranson

1848        Emile Mansard

1855        N. de St Riquier

1860        .. Coffigniez, depuis curé à Croix Moligneaux

La paroisse est desservie à partir de           .. par le curé de Lignières.

1879        Alcide Villerelle, mort en Palestine, au cours d'un pèlerinage à Jérusalem.

1890        Alphonse Mouret, en exercice.

 

Laboissière, aujourd'hui simple commune du canton de Montdidier, fut, au moment de la formation des nouvelles circonscriptions administratives, chef lieu d'un des onze cantons primitifs du district de Montdidier. Mais ce premier partage dura à peine et le canton de Laboissière fut fondu dans ceux de Roye et de Montdidier. Nous donnons les noms des maires qui ont administré cette commune.

1793        Antoine Lambert, off. public

An III      Boco, ag. muni.

An IV       .. Fouilloy

1806        .. Delarouzée

1821        .. Le Caron de Choqueuse

1830        Joseph Floury

1831        Frédéric Paucellier

1865        Edmond Legrand

1884        François Dupuille

1888        Arthur de Soussaye

1892        Auguste Trouvain.

 

Parmi les lieux dits, nous avons remarqué : le Chemin du Piège - le Clos des Frères - le Champ Grand Diable - les Vignes - Les Favières - Les 40 (c'étaient les terres données à la chapelle) - la FossePzai ? (sic) - le Jeu d'Arc - les 7 Champs Crapaud - la Montagne : des fouilles entreprises en cet endroit, en 1886, par un marchand d'antiquités de Reims, mirent à jour un cimetière gallo-mérovingien. On trouva quelques poteries, des lacrymatoires en verre irisé, quelques ornements en bronze et aussi des monnaies romaines, mais en petite quantité.

 

Il existe à Laboissière des souterrains refuges semblables à ceux que l'on rencontre fréquemment en Picardie. Des personnes qui les ont explorés nous ont assurés qu'ils renferment un certain nombre de chambres.

 

Le Forestil, Forestelles, Forestille, est une ferme qui se trouve sur la droite du chemin de Montdidier à Roye, à 2 kil. de Laboissière. Elle appartenait autrefois aux dames du Val de Grâce : elle futé détruite par les Espagnols en 1653 et rebâtie peu de temps après. Elle appartient à Mr Legrand de Piennes.

 

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