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Lignières est un village sans importance situé à 7 kilomètres de Montdidier au N.E. du chef lieu du canton. Il touche aux grands bois qui couvrent les pentes du côté de la rive gauche de l'Avre et qui descendent jusqu'à Guerbigny. D'autre part, les bois de Laboissière le protègent contre les vents d'Est. Peut être doit-il son nom à sa position au milieu des bois (.lignum). Les noms des localités voisines, Laboissière, Forestil, Etelfay, semblent avoir la même origine. Bien que Lignières soit plus rapproché de Montdidier que de Roye, si l'on a ajouté le nom de cette dernière ville à celui du village, c'est que de bonne heure la terre de Lignières appartint à la famille de Roye.
La population du village est essentiellement agricole : elle compte 250 habitants ; en 1849, il y en avait 295. La superficie du territoire est de 633 hectares.
La plus ancienne dénomination de ce village est celle de Liuvillarium qu'on trouve en 1202 dans une charte du cartulaire d'Ourscamp. Le P. Daire donne Lineria. Bientôt on arrive, après quelques variations, au nom actuel de Lignières.
Le village ressortissait au bailliage et à la prévôté de Montdidier.
Dès le XIIe siècle, le domaine de Lignières appartenait à l'illustre famille de Roye. Mathilde de Roye, fille d'Albéric, épouse de Renault de Mailly, donna, vers 1194, un vingtième de la dîme de Lignières à l'abbaye d'Arrouaise. Au siècle suivant, le nom de Jean de Roye paraît dans le rôle du chevalier de la chatellenie de Montdidier appelés à prêter serment au roi Philippe Auguste pour la terre de Lignières : Johannes de Roye, homo ligius, par tenet prositer terram suam de Lignières et debet exercitumque ad usum viromanduensem.
La famille de Roye ne possédait pas dans son entier le
domaine de Lignières, car nous voyons le roi Philippe Auguste donner, en 1214, à
Robert de la Tournelle, chevalier banneret, en récompense des services qu'il
avait rendus et du courage qu'il avait déployé à Bouvines, tout ce qu'il
possédait à Lignières, pour le tenir en hommage lige. Il fit en conséquence
hommage au roi envers et contre tous sauf le serment de fidélité qu'il devait au
comte de Clermont. Robert est qualifié dans l'acte de seigneur de Linviller
(Linvillaris) (Hist. de l'abbaye d'Ourscamp p.83 et Cart. p.557) et était le
neveu de Pierre de la Tournelle, fondateur de la collégiale de Rollot. Son fils
Raoul, chevalier, seigneur de Lignières, fit donation à l'abbaye de N.D.
d'Ourscamp de 8 bouviers et demi de terre au terroir de Lignières, pour
l'entretien d'un chapelain dans l'église de ladite abbaye. L'acte est ainsi
conçu :
Ego Radulfus de Turricula miles et dius de Linières notam facio. quod ego dedi
in perpetuam eleemosynam ecclesia beate Marie Ursicampi octo bovario et dimodium
vergas minus terre arabilis site ad bruerias de Linières seius viam quae ducit a
Garmegni ad Compiendium. in assignamento octo librarum parisiensium annui
reditus pro quadam capellania construenda in ecclesia supra dicta pro anima
patris mei et pro animabus antecessorum meorum et pro salute anime me. Hanc
antem terram liberam et quitam ab omni terragio et alia consuetudine dedi.
L'acte est daté du mois de juin 1234 (Cartul. d'Ourscamp p.558).
Avant d'aller plus loin, il est bon de rappeler que la déclaration faite en 1564 des fiefs tenus de la chatellenie de Montdidier (Salle du Roy), on ne compte pas moins de sept fiefs sis à Lignières. Deux sont indiqués avec cette seule mention : un fief à Lignières. Un troisième porte le nom de Petit Hangest et consistant en 20 journaux de terre ; le cinquième dit de Lignières consistait en cent journaux de terre ; le dernier enfin, dit le fief André Coppoix, était de 9 journaux. Ces fiefs étaient nobles et donnaient à leurs possesseurs le droit de se qualifier : ceux-ci prenaient le titre de seigneur de Lignières. C'est un qualification qui se rencontre souvent et qui ajoute aux difficultés qu'on rencontre quand on veut traiter de la possession ou de la transmission par alliance, par héritage ou par vente desdits fiefs. Nous tâcherons de mettre le plus d'ordre possible dans les notes que nous avons recueillis au cours de nos recherches ; nous espérons que plus tard, d'autres, avec de nouveaux documents, pourront jeter un peu de lumière sur ce point.
Une famille paraît avoir pris le nom du fief dont elle jouissait. Dès 1276, on lit parmi les noms de ceux qui assistèrent à la semonce de Tours faite par Philippe Le Hardi, celui de Raoul de Lignières, chevalier, tenu de la chatellenie de Montdidier. On retrouve plusieurs individus de la même famille. Ainsi, en 1367, Pierre de Lignières déclare tenir un fief à Lignières ; à la même époque, Robert de Wiry, écuyer, déclare tenir, à cause de sa femme Jeanne de Lignières, la moitié d'un fief audit Lignières.
En 1472, Guillaume de Lignières, écuyer, était lieutenant du gouverneur général à Montdidier. Son fils aîné, Antoine de Lignières, fut chanoine de Bourges et de Noyon et seigneur de Domfront (Oise). Sur une verrière de l'Hôtel Dieu de Montdidier, dont il était bienfaiteur, il paraissait en surplis et avec l'aumusse : il était accompagné de Jean de Hangest, son neveu, et de Barbe Le Boulanger, femme de celui-ci. Enfin, en 1591, nous retrouvons un Charles de Lignières de la même famille, Capitaine de Montdidier.
En 1595, Henri IV donnait, par lettres patentes, les terres et seigneurie de Lignières les Roye à Robert II, seigneur de Grouches, pour le récompenser de ses services.
En 1599, par suite de mutations sur lesquelles nous n'avons aucun document qui puisse nous renseigner, ce nombre des fiefs avait diminué : une déclaration de cette époque nous apprend que la terre et seigneurie de Lignières appartenait par moitié à Messire Antoine du Hamel, et pour l'autre moitié à Jean de Vignacourt, seigneur d'Etelfay, Lignières, etc.
Déjà, en 1367, Warnier dit Martel du Hamel, chevalier, se qualifiait sire de Lignières et déclarait tenir ledit fief (G. de Vitasse). Antoine du Hamel, dont nous retrouvons le nom à la fin du XVe siècle, était-il un de ses descendants ? C'est fort probable. Le fils de celui-ci, Jacques du Hamel, seigneur de Lignières, St Aurin, etc, épousa en 1508 Marie de Boubert, de qui il eut Claude qui suit.
Claude du Hamel fut gouverneur de Corbie et prit pour femme Barbe de Ravenel. De ce mariage naquit Antoine IIe du nom qui en 1599 était, comme le dit la déclaration, seigneur pour moitié de la terre de Lignières. Le mariage de sa fille et unique héritière Elizabeth fit passer le domaine dans la famille du Plessier. Il échut plus tard aux de Sachy, seigneur de Becquigny et St Aurin. En 1755, Jean Baptiste François de Sachy, officier au régiment de Flandres, s'intitulait seigneur de Lignières.
L'autre moitié comprenait primitivement le fief André Coppoix ainsi nommé de l'un de ses premiers possesseurs : Jehan Coppoix le tenait en 1536. C'est peut-être de lui que Jean de Vignacourt en fit l'acquisition. Il consistait en 80 verges de terres labourables ou domaine et 8 journaux, 20 verges de bois avec haute, moyenne et basse justice, suivant la coutume de Montdidier. Des acquisitions successives avaient peu à peu agrandi le domaine. Dès la moitié du XVIIe siècle, il appartenait à Antoine de la Motte, marquis de Houdancourt [Les La Motte-Houdancourt portaient : Ecartelé au 1er et 4e d'azur à la tour maçonnée et fermée de sable ; au 2e et 3e, d'argent au lévrier de gueules accolé d'azur accompagné de 3 tourteaux de gueules, 2 et 1, au lambel à 3 pendants de même.], qui fut gouverneur de Corbie. Il mourut en 1672, laissant cette terre à son fils aîné Antoine II, qui fut également gouverneur de Corbie. Il fit le relief de sa terre en 1680 à la seigneurie de Raineval et mourut en 1696 sans avoir été marié.
Son frères Charles, comte de la Motte-Houdancourt, marquis de Sains, Brunvillers et autres lieux, hérita de la terre de Lignières et la laissa à son fils aîné, Louis Charles, qui fut Maréchal de France en 1747. Ce dernier avait épousé Eustelle Thérèse de la Roche-Courbon, de qui il eut un fils mort à l'âge de 12 ans et une fille, nommée Jeanne Gabrielle. Elle épousa en 1es noces le comte de Franlay, mort en 1747, des suites des blessures qu'il avait reçues à Lanfeld, et en 2es (en 1751) Charles Joachim Rouault [Les Rouault de Gamaches portaient : de sable, à 2 léopards d'or. Voir dans Mr Darsy, Le Canton de Gamaches, certains détails curieux.], Marquis de Gamaches. Elle lui donna deux enfants, une fille et un fils nommé Joachim Valéry Thérèse Louis, qui survécut peu de temps à son père.
Survinrent les événements de 1789 : les biens des anciens seigneurs furent confisqués et vendus comme biens nationaux au district de Montdidier en 1796.
Parmi les autres fiefs, il en était un qui consistait en 20 journaux de terre : il était situé vers Marquivillers et était possédé en 1415 par Gilles Rachine ; les héritiers de celui-ci le tenaient encore à la fin du XVIe siècle.
Disons enfin qu'en 1513, un Simon de Bayencourt, écuyer, déclarait posséder un fief à Lignières : probablement un des fiefs dont nous ne connaissons ni le nom ni la contenance.
Il y avait à Lignières un château dont il ne reste aucun vestige. Il était situé à l'endroit où s'élèvent aujourd'hui les bâtiments de la fermes occupée par Mr Leviel. Il fut incendié par les Espagnols en 1653 quand ils vinrent camper à Guerbigny : plusieurs maisons du village furent livrées aux flammes. Aucun fait saillant n'est à signaler depuis cette époque.
Ce village dut avoir autrefois plus d'importance qu'aujourd'hui s'il faut en croire le P. Daire : on y tenait deux foires par an. De plus, il y avait un marché franc tous les mois pour la vente des bestiaux et un marché ordinaire chaque semaine.
L'église n'a rien qui attire l'attention. La paroisse appartient d'abord au doyenné de Montdidier, et après le dénombrement de celui-ci, au doyenné de Davenescourt.
Le collateur de plein droit de la cure était l'Evêque. Mr Darsy relève une erreur du P. Daire : celui-ci pense que "ce patronage était venu à l'Evêque par arrangement avec le prieur de Montdidier, qui aurait, dit le P. Daire, figuré comme patron dans un dénombrement de 1516. Or depuis 1301, tous les pouillés attribuent le patronage de la cure de Lignières à l'Evêché".
D'après la déclaration faite le 7 mai 1728 par le curé, Me François Helluin, les revenus étaient au total de 373 liv. 2 s. ; en 1789, ils avaient singulièrement augmenté : ils s'élevaient à 781 liv.
Le curé n'avait que 1/4 de la grosse dîme ; le reste appartenait par moitié à l'abbaye de Corbie, et pour 1/4 aux chanoines de Monchy-le-Châtel, du diocèse de Beauvais. La dîme se prenait à 6 du cent. La moitié dont jouissait l'abbaye de Corbie lui provenait de l'échange fait en 1559 avec l'abbaye d'Arrouaise. Celle-ci avait été dotée d'un vingtième de la dîme de Lignières par Mathilde, dame de Roye, ce que ratifia son fils Rorige de Roye, seigneur de Guerbigny, du consentement de son fils, Raoul, le 2 mars 1194 (Titre de Corbie, Arm. 4).
Les registres des actes de catholicité nous donnent les noms des curés qui suivent :
1693 Jacques Joly
1713 François Helluin
1769 Thomas Morel. C'est ce dernier curé qui en 1792 remit les registres aux officiers de la nouvelle municipalité.
Après le rétablissement du culte, Lignières resta sans curé jusqu'en 1819. La paroisse était desservie par les curés des villages voisins.
En 1819, Me Hardouin fut nommé curé de Lignières avec Becquigny.
De 1828 à 1832, il y eut vacance.
De 1832 à 1872, la paroisse a pour curé Antoine Hermann qui meurt à Lignières.
De 1872 à 1875, nouvelle vacance.
En 1875 .. Germain, précédemment curé de Bovelles.
1887 Charles Accart, depuis vicaire de St Leu à Amiens.
1891 Emile Brecqueville, aujourd'hui en exercice, précédemment vicaire à St Leu d'Amiens.
Voici la liste des maires :
1792, c'est le sieur Caron qui signe des registres de l'Etat-Civil : il fait suivre sa signature de la qualification de magister, le 3 octobre ; il prend celle d'officier public le 12 décembre de la même année.
An II Antoine Gamache, officier public
An IV Pierre Cagniart, agent municipal
1806 Antoine Froissart, maire
1808 Pierre Cagniart, 2°, maire
1816 Louis Pierre Dhardivilliers
1838 Louis Hyacinthe Leviel
1861 Emile Leviel
1870 Léon Truffet
Parmi les lieux dits, nous relevons les appellations suivantes : le Château - la Fosse à Gonnette - L'homme Mort - Au Fief du Bois de Vaches - La Vallée Grave - Fond des Vignes - Sous les Vignes - Le Champart - la Chapelle - les Fiefs - La Renhache, etc, etc
Dans la cour du presbytère se trouve une pierre dont on n'a pas pu nous dire la provenance ; elle porte un écusson avec les armes suivantes : Ecartelé au 1er et au 4e, de à 3 besants de ; au 2 et 3e de à la croix engrêlée de . Nous n'avons pu découvrir à quelle famille appartenaient ces armoiries.