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Le Rollot est un fromage picard. Il est par ailleurs le seul fromage picard au sens de la Picardie historique.
Fromage très ancien, il connut son heure de gloire au XVIIe siècle. Sa renommée traversa les siècles et fut maintes fois primé fin XIXe et début XXe avant que sa fabrication ne devienne davantage confidentielle. Néanmoins, il trouve de nos jours un regain d'intérêt sans cesse croissant.
C’est un fromage à pâte molle et à croûte lavée élaboré à partir de lait de vache entier et cru. Sa croûte est fine, lisse avec des stries, un peu collante, de couleur jaune ocre qui passe à l’orange puis devient rougeâtre.
Sa pâte doit être souple, de couleur ivoire et légèrement salée.
Son odeur est assez développée avec une forte odeur du terroir.
Sa teneur en matières grasses est de 45%.
Autrefois, sa couleur était due à un colorant alimentaire naturel, le rocou (extrait du rocouyer, provenant de cet arbuste).
Maintenant, les hâloirs fournissent l’humidité nécessaire pour la coloration. Mais si le fromager veut la favoriser, il place à côté des jeunes, un vieux fromage très coloré.
Autrefois le Rollot se présentait de forme cylindrique ayant 6 ou 7 cm de diamètre, 4 à 5 cm de hauteur et il pesait 450 à 500 grammes.
Aujourd’hui, il se présente en forme de cœur, avec 10 cm au plus large et 8 cm du creux à la pointe, pour hauteur 2,5 à 3 cm et il pèse 200 à 250 grammes.
Sa fermentation ne permet pas de présenter le Rollot en boîte. Aucun emballage ne lui assure une bonne aération. Mais aujourd’hui, un film transparent pour contact alimentaire le garantit, à moindre coût. Il se déguste toute l’année, mais les meilleurs sont ceux, quand le troupeau est en pâture et mieux ce sont ceux dits de regain, c'est-à-dire à la fin de l’été et début de l’automne. Le Rollot est savoureux à ses diverses étapes d’affinage, mais le minimum de temps d’affinage est de trois semaines à un mois ensuite il se conserve dans une bonne cave ou dans le bas du réfrigérateur.
Son usage est bien sûr le fromage de table, il met de la couleur sur un plateau de fromage et il se cuisine et se décline dans de nombreuses recettes régionales, telle la célèbre « goyère de Rollot ». Il s'accompagne avec tous vins rouges charpentés et fruités.
Le Rollot est fabriqué avec du lait entier de vache. Plusieurs races de vaches se sont succédées afin d’obtenir la meilleure qualité du fromage. Autrefois la race flamande à robe acajou foncé, a été une excellente vache laitière, son lait étant riches en protéines. Puis la race normande à la robe tricolore, a été exploitée tant pour la production de lait riche en matière grasse que pour sa viande. Aujourd’hui la race frisonne pie noire dite hollandaise est une excellente vache laitière. Originaire des Pays-Bas, elle se signale pour son aptitude laitière, sa précocité, sa longévité et la qualité de sa viande.
L’alimentation de la vache est également très importante pour la réussite d’un bon fromage : le fromage fait avec le lait de vaches aux pâtures est bien supérieur. Car seule l’herbe communique au lait un parfum de fraîcheur et une saveur incomparable.
Les meilleurs fromages de Rollot sont dits de regain. Le regain est « l’herbe qui repousse dans un pré après la fauchaison ». C'est-à-dire un mois environ après les foins entre les premières pluies de l’automne et le dernier sursaut des champs avant l’hiver qui donne une petite herbe fraîche comparable à celle du printemps. D’après une étude de Monsieur Delalande en 1881, il affirmait qu’un bon fromager devait nourrir ses vaches avec du regain ou du foin de bonne qualité, du son, de la luzerne, des betteraves fourragères mais surtout pas de nourriture fermentée telle de la pulpe.
Autrefois, la fabrication du fromage de Rollot était une industrie domestique dans les plus petites exploitations agricoles. Cette petite industrie a perduré à Rollot et ses environs. Les savoir-faire ont différé selon les familles et se sont transmis par voie orale de mère en fille. La fabrication ne nécessitait pas de locaux particuliers, ni d’ustensiles vraiment spécifiques. Le lait était emprésuré dans de grandes bassines.
Voici une recette de fromage de Rollot donnée par Madame Brasset, héritée de sa tante Madame Juliette Picart, agricultrice à la ferme de la Villette à Rollot avant 1914 :
Voici d'une manière succincte les différentes étapes de la recette actuelle sachant qu'il faut environ 1,8 L de lait pour fabriquer un fromage de 220 g :
C’est en 1533, que Madame de Bucquenant, Dame de Piennes et de Rollot demande l’établissement à Rollot de deux foires chaque année, le 8 juin et le 24 octobre ainsi qu'un marché qui aurait lieu chaque jeudi. Il faut attendre mars 1581 pour que le Roy Henri III signe l’édit accordant la création de deux foires annuelles et d’un marché hebdomadaire. Il fut enregistré le 28 juin 1582 au greffe du baillage de Péronne.
Un règlement était établi pour les jours de marché sur la place du même nom. La place du marché longeait les maisons des deux côtés et était traversée par la route royale. Se côtoyaient le marché aux fromages, le marché au beurre et œufs, le marché aux légumes, fruits et poissons puis les marchands forains sur échoppes, comme marchands de tissus, de faïences, les bimbelotiers etc..
Rollot a trace de ce fromage à partir du XVIe siècle dans les baux et fermages à payer en espèces qui se complétaient d’une fourniture régulière en Rollots.
Le premier bail que le Comité Rotincia a trouvé aux Archives Départementales de la Somme date du 10 mars 1576. Le bailleur possède un nom prestigieux, c’est Antoine de Brouilly. (Nous sommes aux termes des invasions des Bourguignons). Voici une transcription de ce bail :
../.. de deux mines et demi au pré de Beauvoir à payer au jour de la Saint Louis de dix livres tournois et d'une douzaine de fromages loyaux ../..
Ensuite, c’est le 3 juillet 1647 que Charles de Brouilly chevalier marquis de Piennes, comte de Lanoy, seigneur de Mesvillers, Assainvillers, de Foy, Houssoye, Beauvoir, la Villette, la Mairie, Lendy, Cauroy et autres, sieur conseiller du Roy en son conseil d’état et Prince gentilhomme ordinaire demeurant en son château de Mesvillers avec sa fille louent à Claude Charpentier et sa femme Barbe Paillet la ferme et seigneurie de Beauvoir une pièce de terre contenant sept mines de terre environ situées près des vignes de la Villette, le preneur jouira d’une autre pièce contenant 6 ou 7 mines tenant d’un lé au chemin de Vaux d’autres au chemin de la Villette à Assainvillers…
…En seigle bon et loyal et la dite avoine bonne à brasser et étant pour rendue au grenier du dit seigneur bailleur et suivi aussi de deux gros porcs gras bons et loyaux et rendus au dit preneur avec quarante livres avec la somme de dix huit livres tournois et huit douzaines fromages du dit beaux et loyaux pour les dits prés et pâtis et sur laquelle quantité de quatorze muids de blé…rendu au château du dit seigneur le 3e jour de juillet pour chaque année payable.
Le Rollot, comme tout fromage, est lié au destin de la France, par l’entremise d’un Roi. Notre fromage n’échappe pas à cette règle, car Louis XIV institue même une charge de « Fromagier royal » en son honneur.
Dans un article du journal de Roye et du Santerre consacré au fromage de Rollot du 14 octobre 1894, le chroniqueur jean de Thoule cite les manuscrits du bourgeois Scellier (détruits en 1918 au cours de l’incendie de la bibliothèque de Montdidier) :
« Louis XIV ayant entendu parler de l’excellence de ces fromages, demanda
un jour, en passant à Orvillers pour ses belles conquêtes de 1670, 1671, et 1672
à Monsieur de Bourges de Sorel, qui se trouvait dans ce moment sur le chemin ce
qu’il en était.
Monsieur de Bourges qui avait un air distingué, des façons et de l’esprit plut
infiniment au Roi par ses réponses. Il l’entretint par la portière de son
carrosse, assez loin, et lui un détail si favorable des fromages qui se
faisaient dans ce canton, que le Roi lui dit de lui envoyer lorsqu’il serait
dans leur bonté, on sait que c’est ordinairement depuis Noël jusqu’à Carême.
Monsieur de Bourges ne manqua pas d’exécuter un ordre si glorieux pour lui et
partit le premier de l’année avec douze douzaines de ces fromages et les
présenta au Roi qui les reçut avec plaisir et fit grand accueil à M. de Bourges.
Ils furent trouvés si fins et d’une si bonne pâte, que le Roi lui fit dire le
lendemain qu’il en voulait avoir tous les ans, et en même temps lui fit une
pension de 600 livres sur sa cassette. Depuis ce temps cette famille continue
exactement d’emporter cette même quantité et en reçoit toujours la même pension ».
Jean de Thoule ajoute :
« les enfants de M. de Bourges occupèrent des fonctions honorables grâce à la faveur du Roi. L’un obtint gratis une compagnie d’infanterie avec pension, deux autres furent gardes du Roi et plusieurs trouvèrent une mort glorieuse sur le champ de la bataille de Malplaquet. En 1756, un de ses petit-fils garde du corps et chevalier du Saint Esprit remplissait encore la charge de Fromagier Royal »
Dans les registres paroissiaux d’Orvillers-Sorel (Oise, village proche du bourg de Rollot).
Il en résulte que Louis René Joseph de Bourges est le petit fils, cité par jean de Thoule et que Rhené Jean de Bourges receveur de la Seigneurie d’Orvillers est le Fromagier Royal nommé par Louis XIV. Rhené Jean de Bourges est né vers 1640 et décédé avant 1713.
Puis c’est le 4 juin 1718, qu’un bail est signé entre les vénérables religieux, prieur et couvent de l’Abbaye Royale de Saint-Corneille de Compiègne et Antoine Liénard, laboureur demeurant en la ferme de la Villette les Rollo…Le preneur acceptant de payer la somme de cent cinq livres d’argent… et six douzaines de fromages du pays de Rollo…
Puis c’est le 3 mai 1720, que nous avons trouvé un bail d’un terrain situé à la Madeleine appartenant au Tiers Ordre de Saint François de Montdidier envers Albert Sonnet et sa femme Barbe Pouillet de la paroisse de Rollot. La somme est de trente deux livres de pension par chacun un an et aussi une douzaine de fromages de Rollot par chaque année payable.
Nous avons trouvé, encore un autre bail situé à la Villette datant du 29 octobre 1761 entre Messieurs les grands Prieurs et Religieux de l’Abbaye Royale de Saint Corneille de Compiègne et François Agathon Larcanger laboureur et Damoiselle Marie Joachime De Bourge son épouse. La somme est de mille trois cent soixante deux livres en argent et six douzaines de fromages du pays de Rollo…
Un autre bail encore situé à la Villette datant du 15 octobre 1781 entre Messieurs les Grands Prieurs et Religieux de l’Abbaye Royale de Saint Corneille de Compiègne et Georges Louis Lory laboureur demeurant à Montgérain… Avec la somme de deux mille quatre cent livres en argent, six cent gerbées, trente livres de laine et six douzaines de fromage le tout de fermage…
Puis pour en finir du 6 mai 1712, c’est un bail entre Paul Laurent Charles Vollant Seigneur de Regibaye et autres lieux, au profit du Sieur Antoine Liénard. .. Le dit Sieur preneur s’est obligé de payer pendant le cours du présent bail… Douze douzaines de gros fromages de Rollot…
Dans les communes environnantes, nous avons aussi trace du fromage de Rollot :
A Ressons, le 19 mai 1644, entre Madame de Bouchavannes et Gervais Thomas : ../.. quatre douzaines de fromages de Rollot ../..
Également dans un bail du 1er mai 1666 à Boulogne la Grasse entre François Parmentier l’aîné et le jeune avec François Galland : ../.. trois douzaines de fromages de Rollot ../..
Ainsi que dans les dîmes de Frétoy et du Tronquoy datant du 15 mars 1766 pour un bail de neuf années entre la communauté du Prieuré de Notre Dame de Montdidier et Juste François Demouy laboureur au Ployron : ../.. deux douzaines de Rollot aux regain ../..
Le Père Daire (1713-1792) dans un de ses ouvrages « Histoire civile, ecclésiastique et littéraire de la ville de Montdidier » parle de Rollot : « … les fromages qu’on y fait sont très renommés… »
Monsieur Cambry signale dans sa « description du département de l’Oise » vers 1840, « On vend à Rollo une quantité de fromages très recherchés… »
D’après une des enquêtes menée en 1865, il est mentionné « l’alimentation hebdomadaire du marché de Rollot était de 500 douzaines en moyenne ».
D’après l’enquête de 1901 de la Somme : « Dans l’arrondissement de Montdidier, on fabrique surtout le Rollot. La production moyenne atteint environ 300 000 fromages par an fabriqués surtout dans les cantons de Roye et Montdidier. »
Comme l’explique M. Louis Graves dans le « Canton de Ressons » 1873, « Rollot est le principal marché aux fromages de la région depuis un temps immémorial… »
De ce fait, l’importance du marché de Rollot a contribué bien évidemment à donner son nom au fromage. Pourtant d’autres marchés se sont créés tels Conchy-les-Pots ou Beuvraignes. Ces fromages issus de la même recette que le Rollot portaient le nom du village où ils étaient fabriqués.
Le 25 août 1907 dans le « Journal de Montdidier », nous pouvons lire et comparer les prix dans la rubrique Marché aux fromages :
En 1866, au concours international de fromages à Paris, le Rollot a été primé. La préfecture de la Somme a avisé la mairie de Rollot que le sieur Harmant-Delattre avait obtenu une médaille d’argent en février 1866.
En 1880, au concours général des fromages à Paris le Rollot a été primé. La préfecture de la Somme a avisé la mairie de Rollot que Monsieur Choisy-Duret avait obtenu une médaille d’argent en avril 1880.
Le Rollot a été primé une nouvelle fois au concours agricole de Paris en 1907, derrière le camembert et devant le livarot, sur l’instigation de Monsieur Jourdain (directeur des services agricoles), quatre producteurs ont fait un envoi collectif de leur fromage à la forme cylindrique mais de dimensions différentes. Celui-ci avait remarqué l’énorme faille du produit qu’était notre Rollot de l’époque et voulait tenter de redresser ce marché si prometteur.
Dans les années 1900, s’installe à Rollot un Hôtel des marchands de fromages situé au début de la rue de la Madeleine jouxtant à la place Galland : c’est dans cet hôtel que les négociants se réunissaient, les jours de marché pour fixer le prix du Rollot. Le jeudi matin, de nombreuses voitures attelées amenaient les fermières des environs, venues vendre leur production dès que la cloche annonçait le début du marché à fromages.
Puis la première Guerre Mondiale est arrivée et a paralysé en partie le commerce du Rollot.
Rollot essaie de retrouver sa renommée d’antan après la tourmente de la Première Guerre Mondiale où le bourg a été détruit à 95 %.
Une laiterie fromagerie se crée en 1928, en face des anciennes caves à fromages appartenant à madame et monsieur Lefebvre-Caron, sous l’impulsion de madame et monsieur Camille Lefebvre-Louvain.
La fromagerie comporte 4 pièces principales :
Et enfin une porcherie, installée déjà chez les parents de Camille Lefebvre-Caron, dans la ruelle de la voierie ; elle perdurera jusqu’en 1948 environ. Les porcs étaient nourris et s’engraissaient de babeurre et de sérum.
Le ramassage du lait se faisait sur quatre communes : Rollot, Assainvillers, Onvillers, Remaugies. 2500 à 3000 litres de lait étaient collectés une fois par jour, le matin, puis deux fois par jour par la suite.
Les hommes étaient chargés de la collecte du lait et ensuite de sa préparation. Un autre s’occupait des porcs.
Les femmes jouent un grand rôle dans cette laiterie, « les femmes font presque tout le fromage et la patronne est partout présente, surtout aux moments délicats ».
Les femmes arrivaient vers six heures, « défaisaient » les fromages de la veille, les passaient dans la pièce voisine. Elles lavaient les moules, les clayettes. Une des femmes était responsable, en outre, de la préparation des repas du personnel.
Cent à deux cents bidons étaient ramenés, ils étaient goûtés, ceux qui étaient douteux étaient renvoyés. Une fois que le lait était trié, il restait 1500 à 2000 litres. Ensuite, l’acidité était testée, s’il n’y en avait pas assez, on rajoutait du lait de la veille.
Le lait était travaillé crû. Une fois arrivé, il était mélangé dans des bacs. Il était réchauffé suivant le temps à 28°-30°, pour cela, il était mis dans un récipient avec une grande palme. Ensuite, il était versé dans 20 bassines de 50 litres.
Venait l’emprésurage toujours effectué par la patronne.
La présure était dosée dans des éprouvettes suivant la température. Elle était mélangée avec de l’eau pour ne pas que le caillé se prenne en bloc.
Le lait était mélangé avec une louche, la présure était incorporée tout doucement.
Après, il ne fallait plus bouger les bassines, ne plus y toucher et surtout ne pas ouvrir les portes donnant sur les autres pièces.
Il prend normalement une heure après. La patronne attendait qu’il y ait un peu de vert par-dessus, que le sérum monte, elle mettait sa main dessus, si le blanc collait, elle attendait encore. Il ne fallait pas que le caillé soit filandreux. Il fallait que le caillé se coupe bien. Quand il y avait deux centimètres de sérum à la surface de la bassine, elle « opérait », elle tranchait le caillé avec le tranche-caillé appelé violon.
Il fallait obtenir des petits cubes. Quand le caillé était coupé, le sérum atteignait 15 cm d’épaisseur. Deux hommes prenaient alors les bassines de 50 litres et versaient le sérum dans des bassines de 100 litres destinées aux porcs.
Puis les bassines contenant le caillé étaient mises sur un trépied pour que les femmes puissent mettre en moule sans avoir les reins cassés.
Là le caillé était mis dans des cuviers en bois avec un tissu assez fin au fond pour que le sérum s’écoule.
Dès que le caillé était mis dans les cuviers, les deux morceaux de toile étaient pressés (on prend la toile d’un côté et on la presse de l’autre).
On fait 28 fromages avec une bassine de 50 litres. On dispose donc 28 moules sur les tables.
Le caillé est pris à la louche. Une louche plus un quart d’une autre permet d’en remplir un, dès que l’opération est finie, ils sont retournés tout de suite.
Les moules ressemblent à des tuyaux, ils sont en fer, les trous ont un diamètre de 2,5 millimètres. Le fond des moules s’enlève et on les met les uns à côté des autres.
Le personnel allait déjeuner. Une heure et demi environ après, les fromages sont à nouveau retournés, puis vers 16 heures. A ce moment, ils arrivent sur la banquette pour sécher toute la nuit.
Le lendemain matin (sauf s’ils ne sont pas encore secs, alors ils restent une journée de plus), ils sont transportés dans le saloir. Là, ils sont démoulés et salés. Pour ce faire, ils sont roulés dans le gros sel puis posés sur des clayettes en bois (et non en paille de seigle comme chez les agriculteurs), une fois salé, ils passent en cave.
Dans la salle d’affinage, la température doit être douce, le bâtiment est fermé. Là, les fromages « graissent ». Il ne faut donc pas les laisser graisser, sinon ils moisissent. Dans ce cas, il faut les laver à l’eau salée (trois jours environ après la mise en cave) avec de l’eau à laquelle a été ajouté un colorant qui a l’aspect d’une sorte d’huile. Huit jours après la mise en cave les fromages commencent à se bomber sur les côtés.
Ils restent en cave un mois environ.
Au début de l’installation de la fromagerie, les « Rollots » se présentaient en disque haut puis progressivement sous forme de cœur.
Il faut savoir qu’à cette époque, à Guerbigny était fabriqué un fromage en forme de cœur, avec la recette du fromage de Rollot. Il était vendu indifféremment sous le nom de Guerbigny ou « cœur d’Adèle », appelé ainsi car la productrice était Adèle Dumontier. Et ce cœur avait une certaine renommée ! Alors, Marie Lefebvre très avisée essaya de faire de même et lui donna le nom de « cœur de Marie ».
D’autre part certains se rappellent que le Rollot s’est vendu sous forme carrée. Il fallait en fait se démarquer pour faire face à la concurrence. Chez les frères Censier à Arvillers, des personnes très inventives avaient fabriqué du Pont-l’Evêque en Picardie ! (Fromage apparenté au Rollot, pâte molle et croûte lavée, mais de forme carrée).
C’est certainement pour cette raison que Marie Lefebvre fabriqua le Rollot de forme carrée. A cette époque le camembert plus facile à fabriquer, commençait à jouir d’une certaine renommée et il fallait être imaginatif pour séduire la clientèle.
Dans cette laiterie, il s’est fabriqué du beurre, de la crème fraîche, du fromage blanc, du fromage à la pie qui est un fromage blanc battu avec un ajout de crème fraîche.
Maurice Garet fut membre de diverses sociétés littéraires et artistiques picardes, il fonda entre autre en 1894 la Société des Rosatis picards.
Le bon Rollot est un vainqueur
Rond, haut ou non ou bien en cœur
Au dessert le plus magnifique
Sa crème est d’un effet magique,
Le vin devient une liqueur
Et tout Picard connaît sa valeur.
O mon fromage le meilleur !
Loin du pays, c’est joie unique,
Qu’un bon Rollot !
Le camembert est grand seigneur
Boîte en bois, réclame en couleur,
Sur la paille démocratique
Simple et nu, tu lui fais la nique,
Tu prévaux par la franche odeur
O bon Rollot.
Cette tirade fut criée autrefois lors des nombreux marchés par des fromagers pour vendre leurs étals :
D’marolles
Bien molles
D’rouloute
Bons et grous
D’camemberts
Ed Villers
Des maroilles
Bien molles
Des Rollots
Bons et grous
Des camemberts
De Villers.
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