Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier
La population du canton est essentiellement agricole : il ne faut pas oublier que le canton appartient tout entier au bas Santerre ; or le Santerre, dit le P. Daire, est un canton de la Picardie dont le territoire est uni et où l'on voit d'immenses plaines fertiles en blé et en grains.
Il y a dans le canton une grande exploitation agricole, celle de la ferme d'Assainvillers qui appartient à la famille Triboulet depuis près d'un siècle. Mr Pierre Triboulet mort en 18. fut lauréat de la prime d'honneur en 1868. Son fils Mr Camille Triboulet, agriculteur distingué, a reçu déjà dans les concours de nombreuses récompenses, soit pour les animaux qu'il a présentés, soit pour les perfectionnements qu'il apporta à la culture par l'emploi des instruments nouveaux et l'usage d'engrais puissants et variés.
La majeure partie du territoire appartient à la moyenne et à la petite culture.
Le sol produit en abondance les céréales de toute espèce : blé, avoine, orge, etc.
On avait tenté d'introduire la culture du lin : on a été forcé d'y renoncer à la suite de plusieurs essais infructueux.
La production de la betterave a pris depuis un certain nombre d'années un très grand développement.
Les graines oléagineuses, le colza et l'œillette, sont peu cultivées.
La boisson ordinaire est le cidre. Aussi, les plantations de pommiers sont elles nombreuses, surtout vers Rollot, Onvillers, etc. Les cidres que produisent les pommes du pays sont assez bons, mais moins substantiels que ceux des confins de la Normandie.
Une culture qui a entièrement disparu du canton et qui y était autrefois très répandue est celle de la vigne. A la fin du XVIIe siècle, si l'on s'en rapporte au témoignage du P. Daire, on récoltait encore "à deux lieues à la ronde de Montdidier jusqu'à vingt mille pièces de vin dans les bonnes années". Ce chiffre peut au premier abord sembler exagéré : pourtant on doit l'admettre. Si l'on prend la peine de consulter les comptes et redevances des diverses paroisses qui composent aujourd'hui le canton de Montdidier, presque partout on voit figurer parmi les revenus une certaine quantité de muids de vin ou bien l'indication du nombre des journaux de terre consacrés à la culture de la vigne. Ainsi, Guerbigny possède 75 j. de vigne, Ayencourt 10 j., Ferrières 100 j., Fignières donne au curé 6 muids de vin, Rubescourt 4 barriques, etc, etc.
Ce qui prouve encore la présence de vignobles étendus dans notre canton, c'est la multiplicité des lieux dits : Moulin des Vignes, Chemin des Vignes, les Vignes, etc ; on rencontre ces appellations dans presque toutes les communes du canton qui nous occupe.
Le P. Daire avec une prudence qui ne nous dit rien de bon en faveur de la qualité du vin récolté dans notre pays, se contente de dire que "le vin, sans être bon, n'était pas cependant de mauvaise qualité". Mr de Beauvillé est plus explicité : il affirme sur la foi de je ne sais quels témoignages que les vins de Montdidier étaient assez estimés parmi ceux de la Somme. Le meilleur était, paraît-il, celui de Fignières.
Nous avons entendu des gens d'un certain âge, en louant le temps hélas ! passé de leur jeunesse, vanter le petit vin du pays dont ils arrosaient leurs plantureux repas après leur partie d'arc ou à la suite d'une hygiénique promenade. Le but de l'excursion était quelques cabarets renommés des villages voisins. Le cabaret n'avait pas alors la mauvaise réputation qu'il a aujourd'hui ; c'était souvent un lieu de rendez-vous pour la bonne compagnie. Pourtant ils reconnaissaient que le vin avait un peu de mordant, mais leur palais, moins délicats que les nôtres, n'y épargnaient pas et quand ils racontaient leurs vieilles parties, ils vantaient les qualités et le bon marché du Jinglard. C'est le nom sous lequel on désignait le vin récolté dans les derniers vignobles.
Les derniers ceps n'ont été arrachés que vers le milieu de ce siècle. La disparition du vin aigrelet qu'ils produisaient n'a causé aucun regret à ceux qui l'avaient pu goûter ; nous en parlons par expérience.
Aujourd'hui le climat se refuse totalement à la culture de la vigne. On donne pour raisons l'humidité du sol, la longueur des hivers, les gelées tardives : ces causes, qui malheureusement sont trop constantes à se reproduire, paraissent fondées, mais rien ne prouve que la température moyenne de notre climat ait été plus élevée autrefois.
Nous croyons plutôt que la répartition de la chaleur dans les différentes saisons a pu modifier sous l'influence des déboisements qui ont eu lieu dans le pays depuis plusieurs siècles.
Nous ne voudrions pas omettre de parler de la culture maraîchère. Depuis Ayencourt jusqu'à Gratibus, toute la vallée est transformée en jardinages cultivés avec le plus grand soin. Il y a là une terre légère, spongieuse, noirâtre, qui se prête merveilleusement à cette culture. Le terrain y est très morcelé et se vend très cher à l'hectare. Chaque parcelle est divisée en compartiments appelés parquets et séparée des propriétés voisines par des canaux ou larges fossés qui servent à la fois pour la culture et l'arrosage. Les jardiniers n'y font pas de primeurs ; ils cultivent seulement les gros légumes qu'ils expédient sur les marchés voisins, ou qu'ils expédient en grand quantité par le chemin de fer. Les radis de Montdidier sont très recherchés : ils ont une réputation méritée.
Le chanvre qui jadis était l'objet d'une culture importante dans les deux vallées de l'Avre et des Doms, se fait maintenant en très petite quantité. Autrefois, les femmes filaient à la quenouille toute la toile nécessaire aux besoins du ménage. On récoltait donc le chanvre, on le rouissait : le droit de rouissage est mentionné dans maints titres. Tout cela a disparu avec l'invention des métiers à tisser et l'emploi de matières textiles étrangères.
Nous avons déjà mentionné les tourbières de l'Avre et celles moins importantes de la vallée des Trois Doms. On extrait annuellement environ ***** stères de tourbes, produisant un revenu de ***** francs. Les tourbes impropres à la consommation sont brûlées sur place et leurs cendres employées comme engrais sont assez recherchées.
L'industrie est à peu près nulle dans le canton. On trouve pourtant à Montdidier une fabrique de blanc de zinc installée dans les bâtiments d'une ancienne sucrerie, deux tanneries dans une situation prospère et deux imprimeries assez importantes. Disons en passant que Montdidier possède trois journaux : le Vieux Propagateur Picard, qui d'abord ne fut qu'une feuille d'affiche, le Journal de Montdidier frais éclos et plus nouvellement encore (1893) le Franc Parleur. A Assainvillers, se trouve une distillerie, annexée à la ferme des Triboulet ; à Laboissière, une fabrique de sucre qui produit annuellement près de ***** kil. de sucre brut. Mentionnons enfin les fours à tuiles et à pannes de Fescamps et les moulins à farine mus par les rivières : un de ces derniers, à Montdidier dit le Moulin à la Planche, mu aussi par la vapeur, a pris ces derniers temps de grands développements.
On a essayé ces dernières années d'introduire la couture des gants de peaux. On emploie pour cet objet soit à Montdidier soit dans les communes environnantes un certain nombre d'ouvrières. Le produit de ce travail est peu rémunérateur.
La fabrication des bas au métier avait été introduite à Montdidier au commencement du siècle dernier. Un arrêt du Conseil de 1718 y consacra son établissement. Les progrès furent rapides ; la fabrique arriva bientôt au plus haut degré de splendeur : ses bas se vendaient dans toute la France. On n'évaluait pas à moins de 1.500.000 liv. la valeur des bas livrés annuellement par les marchands bonnetiers. Mr de Beauvillé raconte, dans son histoire de Montdidier, par quel moyen peu délicat des ouvriers du Santerre réussirent à transporter chez eux cette industrie. La fabrication de la bonneterie a pris en effet un très grand développement dans les cantons de Moreuil et de Rosières.
Le climat du canton est le climat du Nord ou Séquanien, c'est à dire que nous avons une température modérée, sans froids excessifs ni chaleurs extrêmes, mais humide et changeante ; climat très favorable aux herbages, aux céréales et aux arbres des vergers. La température moyenne est de + 10°C.
Les paysans parlent un patois qui se rapproche de l'ancien français : ce patois n'a rien de particulièrement remarquable, sauf dans les deux faubourgs de St Médard et de St Martin où il est lourd et désagréable. Encore tend-il à disparaître peu à peu devant les progrès de l'instruction.