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Rotincia - Accueil Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier

Description
du Canton de
Montdidier
par M. l'abbé Godart

Notes historiques et archéologiques sur les communes du canton > Ayencourt-le-Monchel

Petit village, bâti le long de la rivière des Trois Doms et traversé par les deux lignes de chemins de fer d'Amiens à Compiègne et de Picardie et Flandres. Il se trouve à 3 kil. au S. de Montdidier et n'a que 114 habitants. La superficie du territoire est de 463 hectares.

Il y avait deux moulins à farine : l'un à Ayencourt, l'autre au Monchel : il est question de celui ci dans une déclaration des revenus de la terre du Monchel en 1405. Ils ont disparu tous les deux depuis une trentaine d'années.

On voyait aussi à Ayencourt un orme d'une grosseur extraordinaire sous lequel le bailli rendait la justice ; on le connaissait sous le nom d'Echl'Ormel d'Ayencourt. Selon Dusevel, le tronc de cet arbre avait près de trente pieds de circonférence. On se rappellera que cet auteur aimait à grossir et à embellir les traditions locales.

 

La plus ancienne mention qui soit faite d'Ayencourt se trouve dans un acte de 1215 : il est d'Evrard, évêque d'Amiens.

La terre d'Ayencourt, qui relevait de la Salle du Roi à Montdidier, était chargée envers son suzerain d'un chapel de roses ; le détenteur pouvait s'exonérer de cette redevance en payant IV sols parisis.

An commencement du XIVe siècle, Jean de Hangest, grand maître des arbalétriers, seigneur de Hugueville, en était le propriétaire, comme il appert par la déclaration qu'il en a fait.. Dans le même acte, il nous apprend qu'il y avait "une tour quarrée pour la demeure du seigneur avec plusieurs maisons et étables qui y sont et les fossés". Il ne reste aucune trace de cette forteresse ; on n'a même pas conservé le souvenir de son emplacement.

Ce Jean de Hangest [Jean de Hangest portait : d'argent à la croix de gueules chargée de 5 coquilles d'or.] (voir Davenescourt), à cause des grandes dépenses qu'il fit dans un voyage d'Angleterre, vendit au Chapitre de Notre Dame de Paris la terre d'Ayencourt, dont le roi donna les lettres d'amortissement en 1406.

Le Chapitre de Notre Dame, en sa qualité de seigneur d'Ayencourt, avait certains droits sur le fief de Cantigny les Routis. Il devait d'autre part au prieuré de Montdidier pour sa terre d'Ayencourt, trente setiers de blé.

En 1440, Jean III de Montmorency [de Montmorency portait : d'or à la croix de gueules accompagnée de 16 alérions d'azur.], seigneur des Grandes Tournelles de Montdidier, fit don au chapitre de N.D. de Paris du moulin d'Ayencourt et autres biens qu'il avait dans le même lieu. Il fut poussé à cette donation probablement par la vente que Jean de Hangest avait faite de la terre et seigneurie dudit Ayencourt au susdit chapitre.

 

Il y avait à Ayencourt, outre ce domaine, des fiefs assez importants. Nous allons les énumérer :

1° Le fief des Petites Tournelles, situé dans la dépendance du Monchel, était considérable, dit Scellier, et très noble par ses mouvances : Deniécourt et Foucaucourt en Santerre en relevaient. René de la Tournelle donna un dénombrement de ce fief en 1383 à Me Hugues de Montmorency, seigneur des Grandes Tournelles à Montdidier.

2° Le fief du Petit Mailly : il fut créé dans les circonstances que nous allons dire. En 1626, René de Mailly-Nesle [de Mailly portait : d'or à trois maillets de sinople.], seigneur de Remaugies, Onvillers, le Monchel, ayant un procès important, prit pour défendre ses intérêts Le Caron, avocat au bailliage de Montdidier, qui jouissait d'une grande réputation de science. Grâce à l'habilité de son défenseur, le marquis de Mailly gagna sa cause et, en récompense, érigea en fief 40 journaux de terre que Le Caron avait au Monchel et qui dépendaient du fief des Grandes Tournelles appartenant à lui de Mailly. Ce fief devait prendre l'appellation de Petit Mailly que Le Caron et ses descendants ajouteraient dorénavant à leur nom patronymique. L'acte d'érection est du 26 octobre 1628.

3° Le fief de Houppincourt ou d'Houplaincourt dit encore le Pré de Gannes. Il était situé près du Monchel et appartenait primitivement au seigneur des Grandes Tournelles de Montdidier. En cédant contre finances ses droits à la ville, celui ci se réserva la possession du vivier et du moulin de Houppincourt. Dès le XVIe siècle, le vivier était comblé, ce qui changea entièrement l'aspect de la vallée. Les terres qui avaient remplacé le vivier formaient une pièce d'une superficie de 27 journaux, tenant d'un bout à la fontaine des Blancs Murets et de l'autre au moulin et aux haies du Monchel. Pierre Leclerc en était le seigneur en 1568. Ce fief appartenait au siècle dernier au Comte de Mainville qui le céda en 1745 par voie d'échange au chapitre de la cathédrale de Beauvais à l'exception de 25 verges contiguës au moulin qu'il s'était réservé comme chef lieu du fief.

4° Le Fief du Pré du Prieuré : il consistait en quelques journaux de terre et était contigu au fief précèdent.

 

Dans son histoire de Montdidier, Mr de Beauvillé a inséré in extenso le cahier des doléances de la paroisse d'Ayencourt. Nous regrettons que les limites de notre travail ne nous permettent pas de reproduire les desiderata de ces bons campagnards. Voici ce qu'en dit l'éminent historien : "A côté d'articles qui sont empreints d'une bonhomie charmante ou d'un intérêt personnel qui ne prend pas la peine de se dissimuler, il y en a d'autres, et c'est le plus grand nombre, qui sont marqués au coin de la saine raison et qui décèlent un grand sens moral et politique". Nous renvoyons nos lecteurs à ce curieux document : nous sommes persuadé qu'ils le liraient avec plaisir.

 

Rien ne troubla la tranquillité de ce petit pays pendant la Révolution. Vers la fin de l'Empire, en 1814, un détachement de cavalerie sortit de Beauvais pour se joindre à la troupe venue d'Amiens afin de déloger de Montdidier les Cosaques qui avaient occupé la ville. Les cuirassiers, sous le commandement du général Avisse, qui avait en outre recruté sur sa route de 12 à 1.500 paysans, s'arrêtèrent sur un faux avis à Ferrières, puis, mieux renseignés, continuèrent leur marche et arrivèrent au dessus du Monchel. Les Cosaques les attendaient. Un engagement eut lieu. L'ennemi fut repoussé et évacua la ville vers sept heures du soir, pour se replier sur Roye. Cette échauffourée faillit avoir les plus graves conséquences pour Montdidier. Nous avons dit déjà qu'elles furent conjurées par le dévouement du Maire Jean du Puy.

 

L'église est fort simple. A l'intérieur, deux panneaux des fenêtres du chœur, restes des anciens vitraux, méritent l'attention des visiteurs.

Dans la fenêtre de droite St Pierre debout est facilement reconnaissable à l'énorme clef qu'il tient de la main gauche. Il étend la main droite vers le donateur : c'est un chanoine ; il est revêtu d'un surplis et porte l'aumusse. Il est agenouillé devant un prie-Dieu sur lequel est posé un livre ouvert, et a les mains jointes. Sur la draperie qui recouvre le prie-Dieu est un écusson chargé des seules lettres cp. Nous supposons que ce sont les initiales du nom du donateur. Ou bien faut-il le rappeler que le chapitre de N.D. de Paris était seigneur d'Ayencourt et interpréter Capitulum Parisiense ? Quoi qu'il en soit, le groupe ressort sur une tapisserie écarlate, au dessus de laquelle on aperçoit un intérieur d'église. Le tout est entouré d'un encadrement formé par des colonnes ornées dans le goût de la Renaissance et reliées par un arc surbaissé.

En face, dans la fenêtre de gauche, dans un encadrement diffèrent, et formé par des colonnes cannelées appuyées à des piliers carrés qui sont reliés par une frise ornementée, partagée vers le milieu par un pendentif élégant, neuf personnages se détachent en deux groupes sur une tapisserie de fond verdâtre, au dessus de laquelle on aperçoit, comme dans le panneau de face, un intérieur d'église. A gauche, l'apôtre St Jean l'Évangéliste, debout et portant un calice d'où s'élance le serpent, a devant lui et à genoux le Seigneur ? Derrière celui-ci sont ses deux fils également agenouillés. En face, la femme du donateur, les mains jointes et revêtue d'une robe à larges manches richement ornée. Derrière elles sont ses trois filles avec des vêtements de la même époque. L'artiste a eu l'heureuse idée de grouper les garçons avec le père et les filles avec la mère ; le tout forme un ensemble très gracieux. On peut supposer avec une certaine vraisemblance qu'on a devant soi des portraits de famille. Quels noms faut-il mettre au dessous ? Rien malheureusement ne nous met sur la voie. Au dessous du groupe de droite est le saint patron de la donatrice. Il tient un livre en main et semble présenter ses clients à St Jean : il porte sur l'épaule un T. Qui est-ce ? Un prie-Dieu sur lequel est ouvert un livre d'heures sépare les deux groupes.

Le vitrail de la fenêtre du fond représente St Martin donnant à un pauvre la moitié de son manteau. Il ne faut pas oublier que l'église d'Ayencourt est sous le vocable de St Martin. Ce vitrail est moderne : il donne, dans une inscription en caractères gothiques déjà à moitié effacée, le nom du donateur, Mr Desjardins, ancien maire de la commune.

A remarquer les quatre reliquaires en bois doré qui se trouvent sur la corniche des lambris du chœur : deux grands et deux petits.

Le bénitier placé à l'entrée de l'église est composé d'une vasque ronde, d'un assez petit diamètre, placé sur un long et mince pilier ; il porte la date de 1652.

Mr l'abbé Coisy, vicaire de St Sépulcre, desservant Ayencourt, a bien voulu relever l'inscription qui se trouve sur la cloche , on lit :

Je suis nommée Catherine par Mr

Florent de Lestocq, Conser à Montdidier

parin et damelle Chateraine (sic) de

Lestocq maraine

femme de Jean Gabrielle (sic) Caron

Conser du Roy, recr des tailles de

Montdidier - 1663

 

Le collateur de plein droit de la cure était l'Evêque. Le chapitre seul de Fouilloy avait la grosse dîme. Voici comment : en 1215, Mathieu du Mesnil vendit à Eustache de Hellé, chanoine de St Firmin le Confesseur et à Menier de Montdidier toute la dîme d'Ayencourt qu'il tenait de Robert d'Oresmaux, chevalier, à la condition qu'après la mort des deux acquéreurs, la dîme reviendrait au Chapitre de Fouilloy. En janvier 1248, Eustache de Hellé stipula qu'après son décès son disciple Enguerran en jouirait encore sa vie durant avant la Chapitre.

D'après la déclaration du curé fait en 1728, les revenus de la cure étaient de 308# 10 s. y compris les 300# que le curé recevait du Chapitre de Fouilloy pour sa portion congrue.

La paroisse d'Ayencourt a été réunie à l'église de St Sépulcre de Montdidier en vertu du décret du 30 mai 1806. La chapelle d'Ayencourt a été érigée en chapelle de secours par décret du 25 mai 1870. Depuis 1867, on y dit la messe tous les dimanches. Le conseil municipal vote à cet effet une indemnité annuelle de 250# au vicaire du Sépulcre.

 

Voici les noms des curés d'Ayencourt d'après les registre de catholicité :

1631             Jean Decampeaux

1670             A. Soyer

1687             .. Duchemin

1690             .. Erespaigne

1693             Arnould Blandin. Il baptisa en 1713 la petite cloche qui eut pour parrain Mr de Beauchy et pour marraine Marguerite Buches, femme de Mr Lempreur, bailli d'Ayencourt. Cette cloche fut envoyée au district au moment de la Révolution.

1731             Jacques Cotelle

1772             Henri Gentier

On trouve encore parmi les noms des prêtres réfugiés à Dusseldorf en 1793, Vasseur, qualifié cure du Monchel.

 

Quant à l'administration municipale, nous avons dressé la liste suivante :

1792         Nicolas Rigault, off. municipal

An I          Firmin Ledoux

An VIII    Charles Fois Victor Levasseur,                                                                                                              maire

An IX       Firmin Ledoux 2°

1808         Louis Auguste Beauvais

1811         Théodore Goubet

1823         Aubert de Montoviller

1831         Aubert Ledoux 3°

1834         .. Cauchesier

1847         Charles Auguste Jullien

1848         Aubert de Montoviller 2°, chevalier de la Légion d'Honneur, ancien sous préfet de Montdidier.

1858         Louis Charles Ulric Comte de                                                                                                Rune

1874         Jean B. Loyer

1886         Alfred Deflers

1890         Eugène Bouton.

 

Citons parmi les lieux dits : les Trois Fontaines (il y a quelques années encore on a trouvé à cet endroit, à 1 m 50 de profondeur, une dizaine de squelettes et quelques débris d'armes - Au dessus de la Vallée Coule-Vin - Les Vignes de l'Eglise - les Vignes du Monchel - Les Vignettes - le Champ Vaillant - la Sole de Cavin.

 

Quand on parle d'Ayencourt, le nom de la trop fameuse Frédégonde se présent aussitôt à l'esprit. Plusieurs auteurs ont dit en effet que cette reine était née dans ce village. Rien n'est moins prouvée. C'est Mr Aubert de Montoviller, ancien sous préfet de Montdidier et propriétaire du château d'Ayencourt, qui le premier propagea la légende de la naissance de Frédégonde à Ayencourt et pour donner du poids à son assertion imaginaire de donner à un coin de terre le nom de Cortil Frédégonde, qu'il a conservé. Mr Galoppe d'Onquaire, dont on connaît les fantaisies en fait d'histoire n'a pas peu contribué à accréditer cette erreur (Voir ses Chroniques Montdidiériennes).

Ce qui est plus certain, c'est la naissance à Ayencourt, en 1402, de Thomas de Courcelles (1). Il devint recteur de l'Université de Paris en 1430, assista en qualité de député en 1434 à la confection du Traité d'Arras, puis, en 1438, comme docteur en théologie au Concile de Bâle et en 1441, à celui de Mayence, en qualité d'orateur de l'Université. Il se montra intrépide défenseur des libertés de l'Eglise Gallicane et soutint une opinion aujourd'hui abandonnée, celle de la supériorité du Concile sur le Pape. Il mourut en 1469 proviseur de Sorbonne. Il avait été précédemment Chanoine de N.D. d'Amiens et curé de St André des Arts. C'est lui qui a composé l'Office de la Visitation de la Ste Vierge, que le Concile de Bâle approuva, en même temps qu'il fixait le fête du 2 juillet.

Jean de Courcelles, parent du précèdent, naquit également à Ayencourt. Il fut docteur en théologie, conseiller du Roi et doyen de l'Université en 1435, puis chanoine et archidiacre de Paris. Il fonda à Amiens une procession à la cathédrale le jour de la fête de St Firmin, patron du diocèse. Le Chapitre lui en donna l'autorisation en raison des améliorations qu'il avait apportées à la terre d'Ayencourt, dont il avait joui pendant sa vie : cette terre dépendait du chapitre de N.D. de Paris.

 

(1) Guicherat dit que, dans le procès de Jeanne d'Arc, Thomas de Courcelles fut le bras droit de l'abominable évêque Cauchon. Voilà un fâcheuse complicité.

Quant à sa participation au concile de Bâle, l'historien Sponde prétend qu'elle fut prépondérante. Il appelle Courcelles le principal artisan des décrets de Bâle : Decretorum basiliensium praecipuus fabricator.

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