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Rotincia - Accueil Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier

Description
du Canton de
Montdidier
par M. l'abbé Godart

Notes historiques et archéologiques sur les communes du canton > Bus-la-Mésière

Le village de Bus, situé à 12 kil. de Montdidier, ne ment pas à son étymologie : il est entouré de tous côtés par des bois, buscus ou boscus, en basse latinité.

En effet il porte d'abord le nom de Boscus (1050), de Buscum plus tard, mais bientôt apparaît la forme vulgaire de Bus, sous laquelle on le connaît aujourd'hui.

Les eaux retenues à la surface du sol par une couche de terre glaise imperméable rendaient jadis les communications très difficiles avant la confection des routes empierrées ; aujourd'hui encore, à la mauvaise saison, certains cantons du territoire sont d'un abord plus facile. Il est resté de ces embarras un proverbe bien connu : on dit en effet, "Entre Bus et pis Fescamps". Ce dicton s'applique généralement aux personnes qui se trouvent dans un position embarrassante.

 

La seigneurie de Bus appartenait de toute ancienneté à l'abbaye de Corbie qui possédait la plus grande partie des terres : c'était même une des plus anciennes possessions de l'abbaye.

En 1224, Nicolas, maire de Popincourt, Bus, Fescamps et Marquivillers, donna, après de nombreux procès le 1/5 de ces diverses mairies et vendit les quatre autres cinquième à l'abbaye. "Quintam vero partem dicte majoria ecclesiae memorata dedi in eleemosgiram et concessi, quatuor vero partes . ei ecclesie ipsi vendidi. (Cart. T. blanc .129). La mairie fut donc incorporée à la prévoté ; on connaît les noms de deux autres maires de Bus : Hugues en 1183, et après la réunion de Pierre le Vacquier, clerc de Mr de Corbie et rocheprieur de ladite prévoté (1431) (Cart. noir f.159 et Cart. blanc f.160).

L'administration de la seigneurie fut en effet confiée à un prévot (prepositus). C'était le représentant de l'abbaye : on le trouve généralement dans les domaines éloignés demandant une gestion spéciale. Nous donnons ici la suite des prévots de Bus depuis la fin du XVIe siècle (Arch.Dép.) :

1577        D. Antoine de Bernetz

1590        D. Antoine Gaudissart. Il eut un long procès avec le cardinal de Bourbon, abbé commandataire de Corbie. Il lui abandonna tous les droits de la prévôté, moyennant la somme de deux cents écus, outre cent écus de pension que devait lui payer le sieur Maupin, fermier. En 1597, il consentit à une réduction de la pension "attendue la ruine notoire que les guerres et le siège d'Amiens ont apporté aux revenus de ladite abbaye de Corbie" (Inv. des titres de Corbie).

1610        D. Antoine Hennique

1626        D. Georges Viole

1637        D. Thomas Le Roy

1646        D. Firmin de la Croix

1666        D. Martin Couturier

1670        D. Guillaume Bannot. En 1672, il présenta une requête au bailliage d'Amiens à l'effet d'être payé par les fermiers généraux de l'abbaye, de la pension de 500 liv. qui lui était due selon les clauses de leur bail.

1687        D. Jacques Adnet

1713        D. Pierre de Lamarre

1738        D. François Constant

1771        D. Pierre Bourbier

Le prévôt avait sous ses ordres un bailli, un lieutenant de bailli et un sous lieutenant. Le bailli laïc prononçait dans les causes civiles et faisaient exécuter les jugements. Il demeurait à Roye : les autres officiers demeuraient à Bus.

 

Il y avait une maison seigneuriale qui fut démolie en 1684 à cause de la vétusté. Il restait la ferme [Il ne reste actuellement de cette ferme que d'informes bâtiments. Dans la cour dont on a baissé le sol il y a quelques années, on a trouvé près de l'église quantité d'ossements humains : ce qui ferait supposer que là était l'ancien cimetière.], le colombier, le bâtiment des officiers de justice, 136 journaux de terre, 13 j. de prés, 252 journaux de bois, dont 28 de bois taillis à la coupe de 9 ans, le champart, demi champart, des censives et le fief de Mezières, érigé en 1585. Il en sera question plus bas.

Les bois avaient primitivement été plus importants. Une déclaration de 1331 constate que le bois Audernes contenait 79 bonnières et le bois Marotin, situé entre Bus et Fescamps, 54 bonnières, soit au total 133, équivalant à 532 journaux de bois (Tit. de Corbie). La bonnière contenait 4 journaux de 100 verges à 24 pieds la verge.

 

Les censives consistaient en 80 chapons et 16 poulets - La dime était à 7 gerbes du cent sur 460 journaux - Le champart se levait sur 230 j. et le demi champart sur 70 j.. Le champart se levait à raison de 9 gerbes.

Dès le commencement du XIIe siècle, l'abbaye jouissait d'une partie des dîmes de Bus et de Fescamp : c'était un don qui lui avait été fait. Un nommé Walo de Nesle, dont cette dîme était mouvante, s'y était d'abord opposé, parce qu'on l'avait donnée sans sa permission : il  consentit enfin à ce que la dîme restât à l'abbaye et le seigneur Yves de Nesle, suzerain de Walo, y donna aussi son consentement, ainsi qu'il résulte d'une charte de 1215 (Darsy op. cité).

 

Il y avait en outre un moulin à vent banal, lequel avait été bâti en 1512 sur les confins du terroir de Bus, vers Grivillers : il fut brûlé en 1600. Mr de Beauvilliers, seigneur du fief de Mezières, en fit bâtir un autre quelques années après sur le même emplacement : ce second moulin fut également brûlé vers 1650. Mr Desfossés en fit construire un nouveau sur le riez de Baillon, près Bus, sans la permission du seigneur abbé, quoique sur les terres de la Seigneurie.

En 1645, des gens malveillants prélèvent et écorcèrent à 3 pieds de terre environ près de 400 arbres des bois de Bus : c'était évidemment dans l'intention de les faire périr afin de pouvoir les couper et emporter comme bois mort (Fonds de l'Ins. - Arch. dép.). A la demande de l'abbé, un moratoire fut fulminé par l'officialité d'Amiens, mais il n'obtint aucun résultat.

L'abbaye avait toute justice dans Bus et les villages dépendant de la prévôté. Comme nous avons dit il y avait un bailli avec les officiers, c'est à dire un lieutenant et des sergents. Il y avait une potence de justice et un carcan dans les communes de Bus, Boulogne et Hinviller. Nous voyons en 1696 Jean de Haussy, avocat au bailliage de Roye, bailli de la prévoté de Bus, recevoir Louis Petit, laboureur à Bus, en qualité de lieutenant de ladite prévôté : lui même avait été pourvu par Mgr le Cardinal de Forbin-Janson, abbé commandataire de l'abbaye de Corbie.

 

Fief de Mézières les Bus - Antoine de Stanaye, écuyer, seigneur de Beauvilliers, acheta vers 1583, cent soixante journaux consistant en terres labourables, prés, pâtis, bois et vignes, tenus en roture sur la seigneurie de Bus. Le Cardinal Charles de Bourbon, abbé de Corbie, érigea ce domaine en fief en faveur dudit Stanaye, avec justice haute, moyenne et basse, à condition de jurer foi et hommage au seigneur abbé et de fournir à l'abbaye de Corbie pour la procession le jour de la fête du Sacrement un chapeau de roses rouges.

Des lettre patentes du roi Henri III, de décembre 1588, confirmèrent l'érection du fief ci-dessus nommé, la souveraineté étant réservée à sa Majesté.

En 1636, le Cardinal abbé donna à Mr de Brouilly tous les droits féodaux du fief, terre et seigneurie de Mézières. Mr de Stanaye dut donc lui payer les droits dus pour le bail à cens.

Louise de Stanaye, fille de Louis de Stanaye, seigneur de Mézières, épousa Antoine du Fossé (ou Desfossés) de qui elle eut un fils, nommé aussi Antoine. En 1718, elle donna pour son fils le relief du fief noble de Mézières, tenu de l'abbaye, par 75 liv. de relief et 37# 6 den. de chambellage, plus le chapeau de roses.

Antoine, IIIe du nom, se fit décharger, par suite d'une transaction, de présenter en personne la couronne de roses. Il lui fut permis de la faire présenter par une personne de Corbie. Il avait épousé en 1757 Marie de Macquerel de Guémy. Jean Marie Antoine* étant mort sans enfants, sa sœur, mariée à Jean Baptiste de Lans (alias Lance), chevalier, seigneur de Charens, hérita du fief (1758). Après la mort de son mari, elle vendit ce fief à Me Florent Philippe de la Rouzée.
* Les Desfossés portaient : d'or à deux adossés et entrelacés en sautoir de gueules (Scellier Man.).

Le fief de la Mézières relevait en plein hommage du Comté de Corbie par les droits que nous avons dits plus haut ; de relief et de chambellage en ligne droite ; par le revenu en ligne collatérale et par le quint et le requint en cas de vente.

 

Outre le fief précèdent, il y avait encore le fief du Cygne des Essarts. Il appartenait à la fin du siècle dernier à un Sieur Warconsin et à son gendre, nommé Longuet. Il consistait en 28 journaux de terre d'une seule pièce et un demi champart (l'abbaye avait l'autre moitié) sur 70 à 75 journaux de terre. Ce fief relevait pour les terres du fief de Popincourt, à Grivillers, lequel fief appartenait alors à Mr de Rangueil, de Montdidier.

Rien ne vint jamais troubler le calme des habitants de ce village perdu dans les bois. On sait d'ailleurs qu'il faisait bon vivre sous la crosse. Un séjour de troupes espagnoles en 1638 vaut-il la peine d'être signalé ? Il en fut dressé un acte de notoriété au bailliage de Roye (Inv. des titres).

Pour ce qui n'était pas de la seigneurie de Corbie, le village ressortissait au bailliage et à la prévoté de Roye.

La cure était du doyenné du Rouvroy : le collateur de plein droit était l'abbé de Corbie. Une bulle de Léon IX (1150) confirme à l'abbaye tous les privilèges reconnus par ses prédécesseurs Benoit III et Nicolas Ier sur la libre administration de ses biens et notamment défend aux évêques d'Amiens d'exercer aucune puissance sur l'abbé, les religieux dans les celles, prieurés et cures qui en dépendent. Bus est nommément désigné. En 1171, Alexandre III confirme cette exemption.

Les religieux se chargèrent d'abord du service religieux : plus tard ils établirent à Bus une cure, à qui ils accordèrent certains droits et un vicaire perpétuel à Fescamps. En 1661, le curé et le vicaire, au retour de la chasse, entrèrent au cabaret et, ayant eu une discussion, se battirent. une sentence de l'official intervint interdisant aux coupables et la chasse et le cabaret. Pour éviter le retour de pareil scandale, l'abbé sollicita, dès 1667, l'érection du vicariat de Fescamps en cure indépendante : ce qui fut fait.

Toute la dîme appartenait à l'abbaye qui la prenait à 7 du % comme il appert d'une sentence du bailli de Roye, en date du 4 juin 1675.

La cure valait 446 livres. Selon Mr Darsy, elle rapportait, en 1789, 884 liv. L'abbaye payait au curé 3 muids de blé de la grange et 8 setiers d'avoine. Elle avait en revanche les 2/3 des oblations et des pains dits des nataux avec les deux tiers des menues dîmes, soit des jardins, des laines et des agneaux.

 

L'église, sous le vocable de St Pierre, avait autrefois un vieux portail du XIIe siècle en pierre de Mortemer. On l'a remplacé en 1883 par un pignon triangulaire sans aucun style. L'intérieur est assez irrégulier. Le latéral gauche a des voûtes transversales. La chapelle Ste Brigide en occupe le fond. En face et formant en quelque sorte l'autre bras du transept est la chapelle dite du Prévot : on y accède par six marches du côté du chœur. Sous le tableau placé derrière l'autel, on lit cette inscription : "Le sieur Georges de Sachy receveur de Bus a fait faire cette table d'autel l'an 1697". Cette chapelle est lambrissée de panneaux sculptés dans le style de la Renaissance. On en a pris une partie pour en faire la sacristie : une porte la met en communication avec l'ancienne ferme abbatiale. Comme le nom l'indique, cette chapelle devait être celle des prévots et plus tard des receveurs de l'abbaye seigneur de Bus.

Dans l'église, rien à signaler que les 7 statues qui se trouvent dans de profondes niches à droite et à gauche de l'autel. Elles sont en pierre et portent le cachet du XIVe siècle. D'un côté St Pierre avec la tiare à triple couronne, assis sur la cathedra ; de l'autre St Paul debout : le type sémitique est fortement accentué dans les traits de la figure décharnée.

L'autel de Ste Brigide* est l'objet d'un pèlerinage assez fréquenté. Sa fête en est célébrée le 2 février. Brigide, née en Ecosse, était une jeune fille craignant Dieu. En témoignage de sa virginité et pour répondre à certaines calomnies, elle touche le bois de l'autel de son pays et le fit incontinent reverdir. Elle quitta l'Angleterre, aborda le continent, traversa la Belgique (le culte de cette Sainte y est très florissant) et arriva dans nos contrées. Une tradition locale qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours  prétend quelle périt dans les bois entre Candor et Avricourt.. Et en effet le culte de Ste Brigide est en honneur à Candor, près de Lagny (Oise). Il s'y fait à deux époques de l'année (le 1er février et le 1er dimanche de mai) un pèlerinage ayant pour objet de prévenir et de guérir les maladies des vaches.
*Et non Ste Brigitte de Suède comme l'on supposé beaucoup d'auteurs. On faisait bénir des couronnes le jour de la fête de Ste Brigide, à St Etienne de Corbie. D. Grenier en parle.

A Bus, le pèlerinage a lieu également le 1er dimanche de mai. On invoque cette sainte pour la protection des animaux : on fait bénir à sa chapelle du pain que l'on donne aux bestiaux malades et des couronnes de buis ou de fleurs champêtres qu'on suspend dans les étables, pour en éloigner les maladies. On y vient en foule des pays voisins.

On fêtait autrefois St Adélard, abbé de Corbie, le 2 janvier et Ste Bathilde, reine de France, le 30 janvier. On supprima ces fête en 1786, dit Scellier, "pour suivre l'esprit de l'Eglise d'Amiens, qui a aboli ces fêtes simples, bonnes tout au plus à entretenir les débauches du petit peuple et à en augmenter la misère".

 

Les registres de Catholicité commencent en 1668, nous donnons les noms des curés qui suivent :

1668     Nicolas Mallet

1669     François Bauchy. Il fut longtemps malade. La cure fut desservie par Me Le Normand, curé de Fescamp.

1705     Charles Mallet

1705     .. Obert. Les deux curés ne signent que quelques dates. Le curé de Grivillers dessert la paroisse.

1706     Nicolas Michemblé. En 1749, on lui donne à cause de son âge et de ses infirmités un vicaire : Jean Baptiste Marie Masson.

1756     Pierre Decaves, d'abord prêtre desservant Bus, devient en 1758 curé en titre.

1772     Louis Leonard Longuet

1790     Joseph Pechin. C'est lui qui se vit enlever la tenue des registres de l'Etat Civil et plus tard assista à la spoliation de son église. Les vases et ustensiles du culte à l'usage de l'église de Bus furent transportés au chef lieu du district : il y avait "un ciboire et un ostensoir d'argent, 4 chandeliers à pied de biche en cuivre doré, un encensoir et sa navette, 3 croix, un bénitier et son aspersoir, une lampe, quatre petits chandeliers et deux paix en cuivre".

Après la restauration du culte, on eut pour curé :

...

1826     Cagniart : il demeurait à Fescamp, annexe de Bus.

1832     .. Clain. Il fit sa résidence à Bus. Après lui, la paroisse fut desservie pendant quelque temps par Mr Pillot, curé de Tilloloy.

1835     .. Martin, qui mourut curé de St Gilles à Roye.

1839     Jean Baptiste Piljean, dont on ne parle qu'avec tristesse dans la paroisse. Il quitta le ministère pour exercer la médecine dans le pays même.

1840     Lacroix Clin, encore en exercice (1893) après cinquante trois ans de ministère dans la même paroisse.

 

Quand en 1792 on enleva la tenue des Registres au curé on ne trouva rien de mieux à faire que de les lui confier en qualité d'officier public ; il fut donc appelé à enregistrer les naissances, baptêmes, décès, mariages et divorces. En effet, les premiers actes sont signés en :

1792        par Joseph Pechin, officier public,

An II        Jean François Denis Elie, officier public

An IV      Pierre Philippe Wallet, agent municipal.

An VIII   Charles Duhaubout, maire,

1808        Louis Maupin

1814        Philippe Duhautbout

1817        Louis Maupin (2°)

1822        François Masson

1833        Philippe Quentin Duhautbout

1837        Claude Quenu

1847        Joseph Masson

1868        Eugéne Deflers

1876        Ulysse Godard

1881        Octave Deflers.

 

Parmi les lieux-dits, nous citerons : La Cognée - La Fontaine - Les Royards - La Couture - Le Marly - Le Moulin de Bus (c'était le moulin banal) - La Vigne - Le Pré Portenoux - La Vigne Blain - Le Prévot - La Mazière - le pré des Chaussées (il se trouve le long d'une ancienne chaussée Brunehaut qui rejoint la route des Flandres) - Le Fief (situé du côté de Boulogne) - La Caurette - Les Carnaux.

 

Nous ne voulons pas clore notre notice sur Bus sans dire que l'on retrouve sur le territoire de ce village de nombreux vestiges de l'occupation romaine, surtout des pannes à larges rebords et des monnaies, principalement de Faustine la mère, de Portume de Constantin I et de Constantin jeune.

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