Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier
C'est un petit village de 131 habitants, bâti en pente sur la rive gauche des Trois Doms, en face de la montagne de Forestel et situé à 3 Kil. de Montdidier. Son territoire contient 415 hectares. Toute la vallée assez large en cet endroit est cultivée par les jardiniers de Montdidier. La terre est légèrement tourbeuse, surtout vers Framicourt. La culture est très morcelée ; les canaux qui délimitent chaque parcelle sont soigneusement curés de la vase qu'on en retire, composée de débris végétaux pourris avec les temps, sert à relever les plates-bandes et forme un engrais fertile.
Parmi les anciennes dénominations nous trouvons entre autres Curtis dominica - dans une charte du roi Lothaire (982) et Courtis dominica dans une bulle du pape Urbain II (1185), Cordemanche en 1214 dans un dénombrement du roi Philippe Auguste.
La terre de Courtemanche relevait des Grandes Tournelles. En 1220, vivait Enguerrand de Courtemanche : il vendit le bois de Voyeux à l'Hotel Dieu de Montdidier. En 1290, Gilles de Compiègne s'intitule Sire de Courtemanche ; il reçut en don de Philippe le Bel 40 liv. parisis sur les 600# qui étaient dues au roi par le ville de Montdidier : en 1479, la ville racheta cette rente de Robert de Brouilly, descendant en ligne droite de Gilles de Compiègne par sa mère Jeanne Fourmentin.
En 1358, Jean de Clermont était seigneur de Courtemanche. Il existait alors à Courtemanche un château fort avec tours, pont levis et fossés remplis d'eau. Il n'en reste plus que la butte sur laquelle il était élevé, avec quelques vestiges de fossés : l'emplacement s'appelle encore le Château.
Cette forteresse fut le théâtre d'un des épisodes sanglants de la Jacquerie. On sait qu'en 1357, le peuple écrasé, foulés aux pieds par les Anglais et par les seigneurs qui auraient du les défendre, se fatigua de tant de maux et se souleva. La Jacquerie se développa avec rapidité : les gens de la campagne saisissaient avec empressement cette occasion de se venger de leurs oppresseurs. Les gens de Fontaines furent les premiers à se mêler à ce mouvement. Réunis à des paysans du Beauvaisis, ils pillaient, incendiaient les manoirs seigneuriaux : ils arrivèrent à St Leu en Serang, pillèrent et détruisirent le Château de Raoul de Clermont Nesle, dit Maugonbert, qu'ils mirent à mort ; puis excités par les premiers excès, ils revinrent chez eux et allèrent assiéger le Château de Courtemanche que Jean de Clermont, frère de Maugonbert, tenait de sa mère. Ces forcenés après s'être emparés de la forteresse, pillèrent les appartements et mirent ensuite le feu à ce qu'ils n'avaient pu détruire. Nous verrons dans la notice consacrée à Fontaines, la suite de cette aventure et la vengeance terrible que Jean de Clermont tira de ceux qui avaient tué son frère et incendié le château.
En 1567, Nicolas d'Aumale comparaît à la rédaction des coutumes de Montdidier, Péronne et Roye et signe comme seigneur de Courtemanche.
Le château avait été rebati : il fut occupé par les royalistes pendant les troubles de la Ligue. Les forteresses des environs gênaient beaucoup les habitants de Montdidier, exposés aux coups de mains des partisans du roi : aussi des seigneurs s'étaient-ils plaints au gouverneur général au sujet du château de Courtemanche et avaient ils obtenu d'en faire démolir les fortifications (1591). Madame de St Romain, dame de Courtemanche, ayant travaillé à les faire rétablir, il y eut de nouvelles plaintes : les travaux furent interrompus ; bientôt même tous les ouvrages qui pouvaient servir de défense furent abattus. Le château perdait de son importance : ce qui en restait disparu tout à fait durant la Guerre Trente ans. Les Espagnols, après avoir menacé Montdidier, causèrent dans leur retraite toutes sortes de maux ; ainsi ils incendièrent à Courtemanche le Château et huit autres maisons.
A la fin du siècle dernier, la terre et seigneurie de Courtemanche appartenait à Mr de St Fussien dont il sera parlé plus loin.
Il y avait sur le territoire de Courtemanche plusieurs fiefs, qui à la longue se trouvèrent réunis dans une même famille.
1/ Le fief de Béthisy consistant en 36 journaux de terre, 5 j. de prés avec des censives et un tiers du champart.
2/ Le fief de Clermont : il appartenait à Mr de St Fussien en 1737. Le vieux château et les terres qui avoisinaient en faisaient partie.
3/ Le fief de Maigremont consistant en une ferme aujourd'hui détruite, sise au delà du Forestel. Elle avait 300 journaux de terre et un bois de 4 j. 48 verges, dit le bois Maisnil. Ce fief relevait des Grandes Tournelles et tomba avec le suivant dans les mains de M. de St Fussien.
4/ Le fief de Forestel : il relevait de la Salle du Roy à la réserve d'une partie qui relevait de Jumel. Ce domaine qui fut réuni au précèdent en 1737, consistait en 320 journaux de terre et 3 j. de bois. Le plus ancien seigneur connu du Forestel est Jean de Dineure, chevalier, à cause de sa femme Isabelle de Jumelles (Jumel) (1414). Quelques années après (1428) Jean du Maisniel était devenu acquéreur du domaine ; il fut à plusieurs reprises maïeur de Montdidier.
Au XVIe siècle, la terre avait encore changé de propriétaire et appartenait dès 1534 à Nicolas Cailleu, contrôleur au grenier à sel de Montdidier. Elle fut achetée ensuite par Antoine de Bellejambe : celui ci ayant embrassé la religion réformée, la terre fut saisie en 1568. Par acquisitions successives, la seigneurie passa à Alexis Pierre Dufour en 1604 : il était receveur à la Cour des Comptes à Paris. A sa requête, Geoffroy de la Martonie Evêque d'Amiens permit de célébrer la messe dans la chapelle "bastie d'ancienneté en la maison du Forestel" (Doc. Inéd. V. de B.). Jehan Vincent, curé de Courtemanche, donna son consentement avec réserves des droits du curé et obligation d'entendre la messe paroissiale dans l'église de Courtemanche certains jours de fêtes. Cette chapelle existe encore : elle se trouve en partie au dessus du passage vouté en pierre qui met en communication les deux cours de ferme ; deux fenêtres donnant sur la première cour éclairent la chapelle. Un tableau représentant l'Annonciation en décorait le fond : cette peinture est absolument détériorée. Pierre Dufour fit bâtir à coté de l'ancienne ferme une maison où Mr Chauvelin, Intendant de la province, aurait à venir passer quelques mois pendant la belle saison. Une immense terrasse, garnie de murs avec une balustrade et plantée de tilleuls précédait la maison ; de là on jouit sur Montdidier, qu'on aperçoit du coté le plus escarpé, d'une vue magnifique. La plantation de tilleuls existe encore et le Forestel est pour les Montdidériens un but agréable de promenade.
En 1719, les époux Fournier se rendirent acquéreurs du domaine. Enfin, en 1737, Mr Fournier, receveur des Tailles, donna le Forestel à Françoise Charlotte Maillard (elle était la fille de Me Georges Paul Maillard, conseiller du Roi, au bailliage de Péronne et ancien maïeur de ladite ville) sa mère qui l'apporta en dot à Me Antoine Lugle Luglien de St Fussien, écuyer, président de l'élection de Montdidier (celui ci était fils de Charles Antoine de St Fussien, seigneur d'Aigneville, Conseiller du Roi, maire perpétuel et lieutenant de police dudit Montdidier ). Le mariage se fit dans la chapelle du Forestel. Antoine Lugle Luglien de St Fussien prit les titres de seigneur de Courtemanche et du Forestel. C'est à lui que sont dédiées les élucubrations de Scellier (Tome I). L'épitre dédicatoire est très élogieuse. Il laissa un fils Charles Antoine de St Fussien, lequel vendit en 18. la terre du Forestel à Mr Félix Cauvel de Beauvillé qui la possède encore. La population sédentaire du Forestel est 9 personnes.
Le fief de Sauviller ou Harviller faisait partie de la terre du Forestel et était situé dans la banlieue de Montdidier : il consistait en 36 journaux de terre entre le bois du Forestel et le bois de Hailles, en une seule pièce, avec haute, moyenne et basse justice.
Le dernier seigneur du Forestel, Mr Ch. Antoine de St Fussien, fut le bienfaiteur de la commune de Courtemanche : une plaque de marbre avec ses armes (d'argent à une fasce d'azur chargée de 3 billettes d'or), encastrée dans la muraille de la salle de la mairie rappelle le souvenir de ses bienfaits : il donna à la commune près de 120 fr de rente et autant à la fabrique de l'église.
Notons en terminant un fait contemporain. En 1878, en travaillant au chemin de fer qui conduit du Forestel à Courtemanche, on trouva à fleur de terre, dans un larris derrière la ferme, sur le bord du chemin, un ossuaire contenant les débris de six corps humains ; à coté un scramasax en fer très oxydé. On recueillit en outre deux petits vases de terre fine, à panse : l'un brisé, l'autre assez bien conservé était décoré dans la partie supérieure de plusieurs cercles ; ces objets semblent dater de la période mérovingienne.
L'Eglise sous le vocable de St Pierre est située en dehors du village sur une hauteur dont les pentes assez raides sont couvertes de sapins ; elle porte le nom significatif de St Pierre-au-Mont. Elle est bâtie en pierres blanches du pays et ne présente aucun intérêt. Sa façade triangulaire est soutenue par deux énormes contreforts. A l'intérieur, sur le mur de gauche, on lit cette inscription :
A l'honneur de Dieu
Pierre de Sainnevile, bourgeois de Montdidier,
a fondé en cette église une messe avec le
Regina Caeli et le de Profundis à la fin par
Chacun an à perpétuité le mardi de Pâques
à 6 heures du matin pour la commodité des
pèlerins, en mémoire de son fils Pierre de
Sainneville qui perdit la vie au service du
Roi en qualité de cavalier
PRIEZ DIEU POUR EUX
1665
Il y avait en effet autrefois un pèlerinage qui amenait du monde à St Pierre. Scellier avec une bonhomie narquoise remarque qu'on restait plus longtemps au cabaret que dans l'église. "Communément, dit-il, le retour annonce aux pères et mères et aux femmes l'intempérance des enfants et des maris". Et il ajoute : "Il y a un ou deux cabarets toujours assez garnis, qui, les jours de fêtes et dimanches, servent de guinguettes au peuple de Montdidier. L'appat de gagner un sou par pinte ou lot de vin lui fait faire cette promenade avec grand plaisir, l'engage à boire trois fois plus qu'il ne devrait le faire et lui fait dire que plus il boit, plus il fait de profit". On voit que Scellier aimait à relever ses observations par une pointe de malice.
Il y avait dans l'église une chapelle sous l'invocation de Notre Dame. Elle était à la collation de l'Evêque d'Amiens.
La cure était du patronage du Prieur de N.D. de Montdidier, à qui l'évêque d'Amiens Thierry en 1146 et le pape Urbain III en 1185 confirmèrent la possession de cet autel (de Curtis Dominica). Le prieur avait le 1/3 des menues dîmes, les Religieux Cordeliers de Montdidier jouissaient du reste des dîmes de moitié avec le curé à qui l'Echevinage de Montdidier les avait abandonnées en 1561 (Pouillé de l'Archid.).
Les religieuses grises du Tiers Ordre de St François possédaient à Courtemanche et dans les environs 140 journaux 90 verges de terre. Ces terres provenaient de la maladrerie de Courtemanche supprimée en 1695.
Le curé de Courtemanche avait juridiction sur 10 ou 12 maisons du Mesnil St Georges.
D'après la déclaration faite par Me Augustin Baron curé en 1729, le revenu, déduction faite des charges, était de 605 livres 6 sols. En 1789, il s'élevait à 965 liv.
Voici les noms des curés de Courtemanche : Vers 1610 Jehan Vincent ; son nom paraît dans un acte relatif à Forestel (V. de B.).
Dans les registres de Catholicité nous relevons les noms suivants :
1694 Charles Lebegue
1704 .. Boulnois
1716 Jean Canis
1720 .. Hobert
1729 Auguste Baron
1757 .. Caron
1761 .. Poulet, d'abord prêtre habitué de St Sépulcre de Montidier, dessert d'abord Courtemanche dont il devient bientôt curé. Dès son arrivée, il fit refondre les deux cloches. La 1e s'appelle Angélique par Me de St Fussien et dame Angélique Lemoine, son épouse. La seconde Anne par Me de St Fussien, seigneur de Vignereul, et dame Arme Ponchel de Manuel son épouse.
Mr Poulet, pendant la Révolution, refusa de prêter serment à la Constitution et se retira à Montdidier. Il fut arrêté le 3 avril 1793, emprisonné à Bicêtre, puis transféré aux Carmélites où il était encore le 15 oct. 1794. Ayant enfin obtenu son élargissement, il revint à Montdidier, et l'église de St Sépulcre ayant été rouverte au culte en vertu de la loi du 13 mai 1795, il y exerça le ministère jusqu'au mois de février 1795. Des tracasseries de l'administration l'obligèrent alors à se retirer.
Quand on réorganisa l'administration ecclésiastique, la paroisse de St Pierre de Courtemanche fut rattachée d'abord à St Pierre de Montdidier et plus tard à la paroisse de Fontaine. Le curé ne dit la messe à St Pierre au Mont que pour les enterrements et le jour de la fête.
Voici enfin la liste des maires :
An II Pierre Degouy, officier public
An IV Nicolas Boitel, agent municipal
An V Jacques Guénard, idem
Dès l'an VII jusqu'en 1814 tous les actes sont signés par l'adjoint, Claude Caron, et de 1815 à 1826 par Jean François Foulloy.
1826 Pierre Alexandre Pillon
1844 Jacques Nicolas Delignières
1847 Baptiste Guérard
1851 Jacques Pillon
1855 Auguste Gossuin
1860 F. G. Guérard
1865 Florent Guérard
1880 Auguste Delignières
1893 Edouard Gossuin.
Lieux dits : Par dessus l'eau - Pont Ellyon - Prés du Cornet - A la fontaine Sanisette - Rue Godard - Les Trous aux Renards - Le Milanais - Le Longuel - La Carrière.
Au bas de l'église est une fontaine très abondante : l'eau en est claire, légère et très saine.