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Rotincia - Accueil Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier

Description
du Canton de
Montdidier
par M. l'abbé Godart

Notes historiques et archéologiques sur les communes du canton > Fontaine-sous-Montdidier, Framicourt et Belle-Assise

Ce village est sans contredit le plus irrégulièrement bâti de tous ceux du canton. Il se trouve placé à l'endroit précis où plusieurs vallées sèches viennent déboucher et se réunir pour n'en plus former qu'une qui va en s'élargissant jusqu'à la rivière des Trois Doms.

Selon une tradition qui s'est maintenue jusqu'à nos jours, le village, à une époque relativement peu éloignée, s'étalait tout entier dans le fond de la vallée ; et, en effet, à l'extrémité nord du village actuel, dans ce qu'on appelle les Petits Prés, des chemins creux, bordés de haies, indiquent encore clairement le tracé des anciennes rues qui d'ailleurs ont conservé leurs appellations : ainsi la ruelle Picard, la ruelle Pérette, etc.

 

Il est probable qu'à la suite des inondations que devaient causer périodiquement les eaux sauvages descendant des vallées supérieures, les habitants se transportèrent sur les flancs de la colline exposés au sud et qu'il y jetèrent leurs maisons dans le désordre pittoresque où on les voit aujourd'hui. Toute la contrée, au reste, très mouvementée, très ravinée, avec ses bois et les plantations de sapins qui couronnent les hauteurs, est loin de déplaire à l'oeil. C'est vraiment une petite Suisse. "S. parvalices".

La superficie du territoire est de 903 hectares ; la population ne compte actuellement que 219 habitants.

 

Parmi les anciennes dénominations, très rapprochées du reste de la forme actuelle, nous ne voulons relever que celle-ci : Fontanae juxta Montisdesiderium. Elle se trouve dans une charte de l'Évêque Garin d'Amiens (1138). Dans une mare, située derrière l'école, en contre-bas, on voyait sourdre, il n'y a pas longtemps encore, plusieurs sources, dont les eaux, réunies en un mince filet, allaient rejoindre la rivière ou se perdre dans les bois. De là très probablement le nom de Fontaines donné au village.

Notons que longtemps le maïeur et les échevins de Montdidier jouiront, aux termes de la charte communale, du droit de travers à Fontaines, c'est à dire que dans l'intervalle compris entre cette commune et la ville, les habitants de Fontaines étaient obligés de payer certaines redevances pour leurs transports, sous peine de 60 sols parisis d'amende.

 

Avant de nous occuper de l'église et de la cure de Fontaines, nous allons rapporté quelques faits qui intéressent le pays. En 1212, il est fait mention d'un Gérard de Fontaines : il paraît comme témoin dans une enquête que le roi Philippe-Auguste faisait faire au sujet de ses droits sur la forêt de Méry.

En 1220, le bois de Joyeux, situé entre Mesnil et Fontaines, fût vendu à l'Hôtel Dieu de Montdidier par Enguerrand de Courtemanche.

En 1358 avaient lieu les troubles de la Jacquerie. Nous avons dit déjà à l'art. Courtemanche comment les habitants de Fontaines prenant part à ces excès, pillèrent et incendièrent le château de Courtemanche, qui appartenait à Jean de Clermont-Nesle. Après la répression de la révolte, ce seigneur vint à Courtemanche pour constater de visu les dégâts commis dans ses propriétés et ayant appris que les coupables étaient des gens de Fontaines, il vint les trouver lui-même et leur dire qu'ils eussent à rebâtir son château et à remettre toutes choses en état. On ne lui répondit que par des insolences ; Henique le père et Jehan son fils se firent surtout remarquer par leur violence. Outré de colère, Jehan de Clermont rassembla quelques chevaliers de ses amis, courut avec eux à Fontaines, s'empara des deux Henique, les fit battre cruellement et enfin leur coupa les jarrets. Les malheureux perdirent tout leur sang et moururent de ces affreuses blessures. La vengeance avait été atroce. Jean de Clermont et ses amis, redoutant le châtiment qui les menaçait, se hâtèrent de quitter le pays, mais en 1363, ils purent revenir, après avoir obtenu des lettres de rémission. (V. de B. p.j. 29).

En 1471, le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, campait dans le village de Fontaines ; il y reçut un jour les ambassadeurs d'Angleterre et de Bretagne et le lendemain celui de Venise. Il convint secrètement qu'aussitôt après l'expiration de la trêve conclue avec Louis XI, tous, "Anglais, Bretons et Bourguignons courraient sus au roi de France et lui mettraient tant de lévriers à la queue qu'il ne saurait de quel côté fuir". Le renard déjoua tous ces beaux projets et le duc mourut comme chacun sait (1476).

Les Espagnols occupèrent le village et éprouvèrent un échec près de Framicourt, comme on le verra plus loin.

En 1792, nous trouvons un dernier souvenir historique. La ferme de Fontaines fut vendue comme bien national : elle appartenait à la Commanderie du même lieu. Un faux commis à cette occasion par le fameux Baboeuf le fit passer devant la Cour d'Assises de la Somme. Le mémoire qu'il rédigea pour sa défense est inséré tout au long dans l'Histoire de Montdidier (nous avons raconté cette affaire à l'art. Ételfay, à cause de la part qu'y prit un ancien curé de cette commune) . Il est précédé de détails intéressants sur le trop célèbre membre du directoire du district de Montdidier.

 

L'église est une des plus pauvres du canton. Elle n'a aucun caractère architectural. Une tour massive et basse sert de clocher. La cloche qu'elle renferme a été refondue en 1882 avec les matériaux provenant de l'ancienne. Celle-ci portait l'inscription :

Je suis nommée Marie par Charles de Ma-

Chan, de l'Ordre des Templiers de St Jean de

Jérusalem, Commandeur de Fontaine, parrain

et dame Marie de Poncet, marraine,

épouse de Me François de Formé, seigr

de Framicourt - 1665 - Me Frédéric

Carpentier, Curé.

 

A l'intérieur de l'église, on peut remarquer en entrant un bénitier assez original, c'est un simple fût de colonnes creusé dans le haut et portant à son sommet quatre oreilles pour toute décoration ; à côté les fonds baptismaux formés d'une cuve carrée portée sur un pied hexagonal, sans aucun ornement.

A gauche, appliquée à la muraille vers le chœur, est une statue de la Ste Vierge en prière : elle est du XIVe siècle. Le Ste Vierge est représentée assise, tenant l'enfant Jésus sur le bras gauche et lui présentant un oiseau. A ses pieds est un écusson qui porte de. chargé en chef de deux têtes de licorne tournées à droite et en pointe d'une rose. Au dessus se déroule une banderole, sur laquelle on lit en caractères gothiques :

pars mea deus.

Dans le chœur est une pierre tombale dont les dessins et l'inscription sont presque totalement effacés. On peut cependant distinguer un chevalier revêtu de son armure et portant sur celle-ci une courte tunique ; la femme qui l'accompagne est moins distincte. On lit encore : en son vivant, escuyer, seigneur. Peut-être Jacques de Couppe et Catherine de Lancry.

Derrière le maître autel est un tableau en mauvais état représentant l'Assomption. Au bas sur la gauche on peut lire ceci :

Ce tableau a été donné par Mr

le Chevr de Courcy, Coms de Fontaines

et le retable d'autel par Mr le

Chevr de Courtebonne, son prédéces-

seur. Le tout fait par les soins de

Mr Mouret, officier du Roy, l'an 1731.

 

Dans l'angle de droite se trouve les armoiries suivantes : d'or chargé d'un croissant d'azur au chef de gueules chargé de trois roses d'or. L'écusson de forme ovale est posé sur une croix de Malte, entouré du collier de l'Ordre et surmonté de la couronne royale.

Au haut du mur, côté droit de la nef, à la naissance de la voûte en planches, est l'inscription suivante :

Hunc murum reparavit Illustriss. et

Nobiliss. DD Adrien de la Viefville

d'Orvillé de Vignacourt, Commen

dat. de Lagny le Sec et Canffrania

Gallica, Fontaines et prioratus prior

Curé Nicolas Cocquerel, anno 1766.

 

Comme un certain nombre d'églises du canton, un baldaquin est suspendu au dessus de l'autel.

La paroisse a toujours appartenu au doyenné de Montdidier. Elle a aujourd'hui pour annexe, pour le service religieux, Le Mesnil St Georges, Courtemanche, Framicourt, et les fermes de Forestel et de Belle Assise. C'est la paroisse la plus étendue du canton.

 

La cure était sous le patronage de l'abbé de Ste Marie de Nogent, au diocèse de Laon. L'Evêque Garin d'Amiens avait donné cet autel à ladite abbaye en 1138 (Gallia Christ.).

Les dîmes appartenaient au Commandeur du lieu. Nous verrons plus bas que Fontaines était une Commanderie de l'Ordre de Malte et chef-lieu de toutes les dépendances de cette Commanderie. Nous en parlerons tout à l'heure.

Selon la déclaration faite par le curé en 1728, la cure, charges déduites, valait 400 livres. Notons en passant que parmi les revenus déclarés, on voit figurer une barrique de vin évaluée 20 livres.

 

Les dîmes de Fontaines étaient affermées par le Commandeur au curé pour 300 livres ; il retenait cette somme pour la portion congrue. Seulement il était obligé de dire trois messes par semaine dans la chapelle St Jean de la Commanderie. En 1741, le Commandeur enleva la dîme au curé et lui paya 300 livres. Le curé cessa de ce moment d'avoir la charge des trois messes. Le clerc perdit en même temps les 10 livres de gratification que lui avait accordées le Commandeur de Courtebonne.

 

Voici les curés dont nous avons pu relever les noms (Reg. de Cath.) :

1665       Frédéric Carpentier (Inscrip. de l'ancienne cloche)

1680       Jehan Naguet

1690       Claude Mouret

1700       Jacques Poisson

1702       François Barthélemy. Il meurt en 1713 : la paroisse est desservie pendant quelque temps par le curé de Courtemanche et le T. Bernardin, qui signe : capucin desserviteur.

1714       . Daugy

1727       Jacques Tassot. Il était originaire du diocèse de Laon. Il mourut après avoir été 30 ans Curé de Fontaines et fut inhumé dans l'église "devant la grand'porte près du baptistère".

1757       . Duponchel, qui, dès 1753, desservait la paroisse à cause du mauvais état de santé du curé. Il tint les registres jusqu'en 1792 : le dernier acte signé de lui est du 27 septembre de cette année. Il était très aimé de ses paroissiens : aussi put-il ne pas quitter Fontaines pendant la Révolution. Les habitants lui portaient tour à tour ce qui était nécessaire à sa subsistance. Il s'occupa, pour occuper ses loisirs, de donner des leçons aux enfants de quelques familles du voisinage, entre autres aux  fils de MM du Puget d'Hargicourt et de Monchy de Cantigny.

Aussitôt qu'il fut possible, Mr Duponchel reprit les fonctions de son ministère. Une plaque de cuivre, qui traîne dans la sacristie, nous apprend qu'il mourut le 28 décembre 1818, à l'âge de 88 ans, après avoir été curé de Fontaines pendant plus de 60 ans. "Pasteur savant et sage, il fut pauvre comme J.C qu'il imita, possédant toutes les vertus et persuadant par ses discours ; il se distingua par sa charité, son humilité, son désintéressement et fut un pasteur selon le Coeur de Dieu". Voilà un bel éloge ! et le témoignage de reconnaissance honore et le curé qui s'en est rendu digne et les paroissiens qui l'ont rendu.

Après la mort de Mr Duponchel, la paroisse resta 14 ans sans curé : dans cet intervalle, elle fut desservie d'abord par des professeurs du collège, puis finalement délaissée. Les habitants étaient obligés d'aller à Montdidier pour entendre la messe. Cet état de chose ne pouvait durer : sur leurs instances, on leur accorda donc un curé.

En 1832, ce fut Mr Maurice. Ensuite

1833       . Danicourt, qui fut curé de La Neuville au Bois.

1854       André Tingry, mort cure d'Ergnies.

1860       . Bellard : il mourut prêtre retraité à St Germain        d'Amiens.

1864       Amédée Sergent, auj. curé de Dernancourt.

1879       Louis Vasseur, auj. curé de Vironchaux

1891       Valère Maxime de St Fuscien, en exercice.

 

Nous arrivons maintenant à la COMMANDERIE DE FONTAINES. Il est un fait certain, c'est que la terre et seigneurie de Fontaines passait pour être un des plus anciens fiefs qui aient appartenu aux Templiers. S'il faut en croire Mr Mannier (Commanderies - Séries du Grand Prieuré de France - p. 152), ce serait un des fondateurs de la milice du Temple qui aurait donné à son ordre en témoignage de l'intérêt et de l'attachement qu'il portait à sa fondation, tous les biens qu'il possédait et entre autres la terre de Fontaines. Or l'Ordre des Templiers fut fondé à Jérusalem en 1118. Quelques uns des premiers chevaliers, parmi lesquels Payen de Montdidier, vinrent en 1128 au Concile de Troyes pour soumettre aux prélats réunis les statuts de la nouvelle institution. Ils en obtinrent l'approbation et allèrent à Rome où le pape Honorius II confirma de sa haute autorité l'approbation des évêques. C'est alors que Payen aurait fait à l'imitation de Hugues de Payns sa donation. La Commanderie de Fontaines était donc avec celles de Payns (près de Troyes) et de Flype (en Flandre) au nombre des trois premières Commanderies de France. Ce Payen, comme nous dit Mr de Beauvillé, pourrait être le même que Névard, dit Payen de Montdidier, dont il est parlé comme témoin dans un acte de 1130, concernant les Templiers. Nivardus, congomine Paganus de Mondiderio, miles Templa Domini devotus. etc. (p.just. 162).

 

Le fondateur ayant établi les bâtiments de la Commanderie dans une prairie au pied d'une montagne avait pris pour armes de sa maison : d'azur, au chevron d'or, accompagnée de trois étoiles. pour rappeler que la Commanderie de Fontaines était des trois premières de l'ordre.

La Commanderie de Fontaines était chef-lieu de Baillie : les maisons de Rocquencourt (Oise), Belle-Assise, Bélincourt (aujourd'hui Bellicourt près de Cuvilly) et Tricot (Oise) en faisaient partie et l'avaient pour chef-lieu, ainsi qu'on peut le voir par une copie collationnée d'un extrait d'un ancien registre, conservé aux archives du grand prieuré de France, et composé en 1373, par ordre du pape Grégoire XII. Cette copie existe à la Bibliothèque Nationale (N°601. Cat.cocheris. A.J. Sect. adm. S.5221).

En 1294, le roi Philippe le Bel fit remise de certains droits fiscaux au Maître et aux frères de la Milice du Temple de Fontaines. Gracia facta a duo rege in propositura de Monte-Desiderii de explectato post compostam. magistro et fratribus domus Milicie Templi in Fontanis juxta Montem Desiderii, XXIV liv. par.

La Commanderie de Fontaines était à la nomination du Grand Prieur de France. Elle valait en 1730 au Commandeur, toutes charges acquittées, de 11 à 12.000 livres.

 

Il existe encore à la Bibliothèque Nationale deux Etats des revenus de la dite Commanderie : l'un du 17 juin 1581 (AI. sect.hist. A.1155) et l'autre du 1er février 1693 (AI.20.5221), ainsi qu'un plan de ladite Commanderie (A.I. sect.adm. N 3e Cl.).

D'après une déclaration du 4 mai 1640, que nous reproduisons d'après Scellier, les revenus consistaient à Fontaines en Chapelle (voir en fin), maison seigneuriale et autres dépendances, granges, étables, enclos, pigeonnier, jardin, la moitié des censives et les droits seigneuriaux. Il fait remarquer cependant que cette même année (1640) une partie des bâtiments avaient été brûlés par le régiment du Colonel Conlon, Irlandais. Il y avait en plus 50 journaux de terres labourables de terre à la sole, un moulin à l'eau près de Framicourt (il était affermé 600 livres), 3 journaux 16 verges de bois en coupe chaque année, 20 journaux de prés, plus les dîmes grosses et menues, les novales, y compris un petit droit de champart.

 

La Ferme de Belle-Assise, celle du Bois d'Ecu et Le Galet avec les terres, champart et censives qui en dépendent : 10 muids de grain sur la terre de Tournonville ; 1 muid de blé sur le Plessier ; 10 muids de grains sur l'abbaye de St Just et 12 sur le moulin de la porte de Paris à Montdidier.

La ferme de Berlincourt (auj. Bellicourt) consistant en maison et terres - 80 journaux environ en une pièce : elle était affermée pour 1.800 livres.

L'Hopital de Tricot, consistant en maison, granges, étables et en outre plusieurs pièces de terres et de prés.

Les dîmes de Cuvilly, Ressons, Biermont.

Les terres d'Entrevaux.

L'Hopital de Rocquencourt consistant en maison, fermes, prés, cens et rentes. La ferme ayant 287 journaux 32 verges de terres labourables. Elle était affermée 2.000 livres.

8 muids de grains sur la ville de Montdidier et des censives sur quelques maisons. La Commanderie possédait tous les biens et revenus énumérés ci dessus avant 1520.

Elle avait en outre acquis depuis : La ferme de la Chaussée. les dîmes de la Taule et celles du haut et bas Matz et enfin des terres dans le faubourg St Médard de Montdidier. On voit par ce rapide exposé que la Commanderie de Fontaines était fort riche.

 

Les charges n'étaient pas énormes. Elle payait :

82 liv. 18 sols tournois de décimes

830 li. à l'Ordre de Malte pour les réparations

300 liv. au curé de Fontaines et 3 muids de grains

200 liv. au curé de Villers (Tournelle)

10 muids de grains aux religieux de l'Hotel-Dieu

4 muids de grains au curé d'Elincourt

4 muids de grains à celui de Cuvilly

4 muids de grains à celui de Ressons

3 muids au Prieuré de N.D. de Montdidier d'après un accord fait en 1197 entre le prieuré et les Templiers (Arch. Dép. L'original existe). Le Prieuré et les moines abandonnèrent aux Chevaliers de Fontaines (que l'acte désigne sous le nom de Berlincourt du nom d'une de leurs fermes) 5 setiers de terre, 15 de bois, et deux jardins que les bénédictins possédaient près de cette ferme moyennant une rente de trois muids de terre. Les religieux appelés en qualité de témoins sont au nombre de quatre. Il y a un nombre égal de Templiers ; nous en avons les noms : Poncins de Rigaut, alors magister France, Névelon de la Tournelle, Renaud de Gournay et Alois de Fontaines.

La Commanderie (voir in fine Appendice I) avait en outre à la charge les services des chapelles et églises, l'entretien des maisons et dépendances et enfin les gages des officiers : Mr Cocheris dans son "Catalogue des Manuscrits de la Bibliothèque Nationale concernant la Picardie", cite (Mem. de la Soc. des Ant., XVI) sous le n° 601, 52 pièces ou liasses concernant la Commanderie de Fontaines sous Montdidier).

Le droit de tonlieu que la Commanderie avait dans Montdidier avait racheté en 1267 moyennant cent sols parisis de cens.

 

Voici les nom des Commandeurs que l'on connaît (P. Daire : Hist. de Montdidier) : (nous donnons une liste plus complète à l'appendice)

1328       Gilles de Mailly, chevalier, était garde de la Maison du Temple à Fontaines.

1470       Frère Pierre Roulin. Il se trouva en 1480 à la défense de Rhodes. Selon Vertot, il fit reconstruire les bâtiments de la Commanderie

1525       Berthon de Rouvroy

..              Jacques, bâtard de Bourbon, noble et vaillant chevalier

1640       Charles de Rayvre. Il fit la déclaration de ses revenus à la chambre établie pour le recouvrement des droits d'amortissement dus au Roi par les gens de main morte. Nous l'avons citée plus haut

1664       Charles de Machault, grand vicaire et lieutenant du Grand Prieur de France

1685       Eustache de Bernard Daverne, frère de Guillaume, reçu chevalier en 1640, fut d'abord capitaine d'un vaisseau de guerre, portant pavillon de Malte, puis capitaine des galères, Receveur et procureur de l'Ordre, lieutenant de Mr de Vendôme, Grand Prieur ; il mourut à Paris en 1692.

1694       Eleonore de Beaulieu de Bethernas, bailli, Grand Croix de l'Ordre de St Jean de Jérusalem : il mourut en 1702

1702       Gabriel de Calonne de Courtebonne

1703       .. de Lusignan

.               .. de Blécourt de Tincourt

1730       .. de Courcy (inscription du tableau), portait d'or chargé d'un croissant d'azur au chef de gueules avec 3 roses d'or

1740       .. Laval : d'or à la croix de gueules, chargée de 5 coquilles d'or, cantonnée de 16 alérions d'azur

1742       .. Daverne : d'argent au chevron de sable accompagné de 3 trèfles de même 2 et 1 au chef de l'Ordre

1756       Adrien de la Viefville d'Orvillers [Viefville portait : fascé d'or et d'azur à 6 armelets de gueules brochant sur les deux premières fasces, au chef de l'Ordre.], grand bailli de l'Ordre. Il avait déjà la Commanderie de Lagny le Sec que le Conseil de l'Ordre lui avait donné dès que la baronne d'Orvillers avait été grosse de lui, en considération du Grand Maître de Malte de Vignacourt, qui était son oncle. Par bail du 18 juin 1761, il afferma les propriétés de la Commanderie de Fontaines avec Belle Assise, le Moulin, les fermes de Berlincourt (auj. Bellicourt) et de Rocquencourt moyennant la somme de 11.900 livres. Ses qualités personnelles lui avaient mérité le grade de grand bailli de Champagne.

1790     Le dernier commandeur fut François Thérèse Géraldin. On sait qu'à la Révolution l'Ordre de Malte fut dispersé et que ses biens furent vendus comme biens nationaux. La ferme de Fontaines fut mise en vente le 30 décembre 1792 et adjugée à un nommé Levavasseur. On a vu plus haut ce qui advint au citoyen Gracchus Babeuf à l'occasion de cette vente.

 

Il ne reste aucun des bâtiments de la ferme : la chapelle St Jean seule est demeurée debout, mais combien changée même extérieurement. Les fenêtres ogivales ont été remaniées et enfin bouchées. : c'est maintenant une simple grange en pierre. Autrefois on allait processionnellement de l'église à cette chapelle pour y chanter le salut la veille de la St Jean, et, au sortir, on faisait un immense feu. Le lendemain on y célébrait solennellement tous les offices. On raconte au sujet de cette chapelle un fait singulier. Aux plus mauvais jours de la Révolution, un domestique de la ferme, imbu des idées nouvelles, alla décrocher un Christ qui était resté appendu à la muraille de la chapelle, et l'ayant posé par terre, lui commanda de marcher. Naturellement le Christ resta immobile. Pris de rage, le domestique lui lança un violent coup de pied et lui brisa les jambes. les témoins furent terrifiés de cette impiété. Le lendemain, paraît-il, le même individu conduisant un chariot, fit un faux pas, tomba sous les roues de sa voiture et eut les deux jambes coupées. Tout le monde vit dans cet accident une punition. Le fait est absolument vrai : un des curés de Fontaines, Mr Danicourt (1833),  le citait dans un sermon, il y a peu d'années devant des personnes qui en avaient pu être les témoins ou du moins l'avoir appris de témoins oculaires.

FRAMICOURT est un petit hameau situé dans la vallée, non loin de la rivière des Trois Doms : il ne compte d'après le dernier recensement que 45 habitants. On le trouve désigné dans une charte de l'Evêque Thierry d'Amiens sous le nom de Frameri Curtis. Plus tard, la dénomination se rapproche de la forme actuelle : on lit en effet Framicourt dans un titre (1260) du Cartulaire d'Ourscamp.

Framicourt a toujours été attaché à la paroisse de Fontaines. Il y avait seulement une chapelle castrale dédiée à Ste Marguerite : elle avait été bâtie dans la maison seigneuriale, près de la rivière, en 1292, par Raoul de Framicourt qui l'avait enrichi de fondations du consentement de sa mère Anne de Cantignies. Le chapelain était à la nomination de l'Evêque : on y disait d'abord quatre messes chaque semaine. Plus tard elles furent réduites à deux. A la fin, le curé les acquittait dans l'église paroissiale.

La terre et seigneurie de Framicourt relevait de la Salle du Roi à Montdidier : elle appartenait dès le XVe siècle à la famille de Formé. Nous trouvons, en effet, en 1489, Charles de Formé, seigneur de Framicourt. Un siècle plus tard (1589), Gilles de Formé, écuyer. En 1739, c'est Jean Charles de Formé ; il marie sa fille Marie-Antoinette de Formé, en 1747, à Mr de Monchy, seigneur de Cantigny. En 1750, Marie-Antoinette devint propriétaire de la terre de Framicourt par la mort de son père. En 1756, son mari fut tué par un accident à la chasse ; elle restait veuve et tutrice de trois enfants. Elle donna à ses deux enfants puinés Marie Antoinette et Marie Madeleine la somme de 1.000 livres de rente à prendre sur la terre de Framicourt, celle-ci restant entre les mains de l'aîné Pierre Antoine (1770).

Framicourt fut en 1636, lors de l'invasion de la Picardie par les Espagnols et les Croates, le théâtre d'un heureux coup de main opéré par le gouverneur de Montdidier. 35 à 40 Croates s'étaient retranchés dans le moulin. Le capitaine de Maurepas l'ayant appris prit 20 cavaliers et 30 mousquetaires et vint attaquer l'ennemi. Après une vigoureuse défense, où les ennemis laissèrent 16 des leurs sur le carreau, le reste s'enfuit à travers le marais où l'on fit 13 prisonniers. Les chevaux et les bagages étaient restés entre les maisons des vainqueurs qui rentrèrent triomphalement à Montdidier.

 


BELLE-ASSISE est une ferme très importante située au milieu d'un vaste plateau et doit son nom à sa position. Elle appartenait jadis à la Commanderie de Fontaines. Elle consistait en maison et dépendances, cour, granges, étables, jardin, le tout comprenant 3j. 29 verges plus divers droits de coupe dans les bois, champart et censives sur 13 journaux de terre sis au terroir de Bellicourt. Elle avait en outre 150 journaux de terre à la sole, 3 j. de prés à Fontaines, 2 j. de bois et la moitié des droits seigneuriaux.

Elle fut affermée seule en 1790 par le dernier commandeur frère François Thérèse Geraldin, moyennant le prix de 4.800 livres à Jean-Baptiste Toulet. Le fermier devait en outre payé au curé de Villers-Tournelle 200 liv. pour sa portion congrue (Inv. de l'évêché).

Cette ferme est restée depuis cette époque dans les mains de cette famille. Après la vente de la ferme comme bien national, les Toulet continuèrent de l'occuper comme fermiers  jusqu'en 1892, où Mr Boitel, qui avait épousé la dernière héritière des Toulet, quitta l'exploitation. Parmi les différents propriétaires qui se sont succèdes, nous citerons Mr Walkenaert (de l'Institut), Mr Paul Durand de Montdidier, enfin Mr Cordonnier d'Armentières, qui en est le propriétaire actuel.

 

Il y avait encore à Fontaines quelques autres fiefs que nous devons citer :

Le fief de Tenailles qui consistait en 9 journaux de terre dont 3 relevaient de Belle-Assise.

Le fief des Maisons, relevant de Fontaines, consistait en 10 (ou 16 ou 18) journaux enclos dans ces terres de la ferme de Belle-Assise.

Enfin un fief dit des Cocleis, qui appartenait au sieur (Bertin ?) de  St Maurice et consistait en 4 livres de censives.

 

Parmi les lieudits, nous relevons les noms suivants : Le Clos - Le Grémont - Les Vignes de Cantigny - Le Quesnoy - La Couturelle - A la Rue Pérette - Le Ponceau - A l'Annette - Derrière la Chapelle (St Jean) - Le Village (l'ancien emplacement) - Par delà de l'Eau - Le Maigremont
Section de Framicourt : La Plaque Milécamp - La Commanderie - La Couture - Au Coin des Vignes - Les Vignes d'en haut - Les Vignes d'en bas - Les Larris - Enclos du Mt Galet - Le Marly.

 

Nous terminons par la liste des maires :

1793        Dupoty Jean, officier public

An IV      Jean François Trouvain, agent municipal

1807        Antoine Levavasseur

1812        Jean-Baptiste Alincamp

1814        Pierre Pillon

1821        Luglien Alincamp

1823        Jean Bapt. Debaume

1831        Antoine François de St Fuscien

1843        Pierre Ferrand

1849        Charles Fauquet

1851        Pierre Ferrand 2°

1861        Gustave de Jenlis

1870        François Fauquet

1876        Vincent Fauquet

1881        Célestin Warmé

1892        Henri Albert Dupuis, en exercice.


Appendice A : FONTAINE sous Montdidier

La Commanderie de Fontaines, comme seigneur de ce village, avaient accordé aux habitants une charte communale. En voici les principales dispositions telles que les donne un terrier de la seigneurie en 1450 (Arch. Nat. S.5948) :

"Primo. Appartient aux seigneurs de l'Hospital, seigneurs de ladite Commanderie en ladite ville de Fontaines, toute justice, haute, moyenne et basse, droit de tonlieu, forages, rouage, amendes, forfaitures, espaves, four, moulin, etc.

"Item; l'ostel seigneurial, ainsi qu'il s'étend et comporte en maisons, cappelle et jardins.

"Item, audit hostel a deux pressoirs à vin où les gens de ladicte ville sont baniers de presser leurs vins de XIII sols les deux, sur l'amende de LX sols.

"Item, sont tous ceux de la ville baniers au thor (taureau) et au ver (verrat) sur l'amende que dessus.

"Item, sont baniers au moulin. Comme à blé et oille, comme dessus. Nota que aucuns sont franis le moitié de l'an qui ne paient que demi moulture.

"Nota que le cas était que fut trouvé farine molute à autre moulin  que la farine qui serait trouvée à le sac avec le tout et qui serait dressé. ladite farine est confisquée avec amende ce LV sols.

"Item a trois semaines devant la feste de la ville, trois semaines après, que nuls des subjects ne peut vendre. Vin à brocque pour tant que plaisir au seigneur de vendre ou faire vendre sur l'amende dessus dite.

"Item sont les subjects baniers comme dessus au four, et ne peut nul des subjects avoir four sans licence du seigneur sur l'amende que dessus".

Au XVe siècle, les Commandeurs résidaient à Montdidier à cause de l'état de ruines où se trouvait l'hôtel seigneurial de Fontaines. Au XVIIe siècle, la maison du Commandeur avait été rebâtie. Elle formait un assez beau corps de logis construit en pierres. La chapelle avait été entièrement restaurée. L'enclos du manoir seigneurial contenait huit journaux de terre, depuis la grande rue jusqu'au chemin des Perettes (Rue à Pérette).

Le revenu de la seule maison de Fontaines était en 1373, de 209 livres ; en 1495, de 392 livres ; en 1581, de 1.100 livres ; en 1693, de 2.000 livres, et en 1783 de 3.300 livres.

Le revenu général de la Commanderie (Fontaines, Belle Assise, l'hôpital de Montdidier, Bellicourt, le Bois d'Ecu (anc. Commanderie, etc) était en 1373, de 438 liv. Les Guerres du XVe siècle l'avait fait descendre à 372 livres. Il était remonté en 1583 à 4.500 livres ; en 1693, à 9.480 livres. Enfin il était en 1757, de 20.395 livres, et en 1783 de 29.940 livres.

 

Nous donnons la liste des Commandeurs de Fontaines telle que nous la trouvons dans "Les Commanderies du grand Prieuré de France" par E. Mannier (1875) :

1357        Frère Pierre de Pacy

1373        Fr Martin Giroust, prêtre

1374        Fr Pierre de Montavesnes

1379        Le Chevalier Nicole de Francqueville

1381        Le Chevalier Palaméde d'Ortians

1386        Fr Nicole Route

1394        Fr Jehan de Neufmoulin

1419        Fr Antoine Spifame

1420        Fr Guéroult Boittel

1421        Fr Jehan Grant

1458        Fr Girard du Hem

1470        Fr Pierre Rolin (ou Roulin)

1501        Le Chev. Jacques de Courcelles

(1525       Le Chev. Berthon de Rouvroy) (P. Daire)

.                Jacques de Bourbon

1540        Le Chev. Frédéric de Hallencourt

1590        Le Chev. François de Briois (ou Brion ou Bréon)

1616        Le Chev. René Dollez, seigneur de la Neuville Ferrière

(1640       Charles de Kayvre)

1645        Le Ch. Henri du Chatelet de Moyencourt

1664        Le Ch. Charles de Machault

1681        Le Ch. Eustache de Bernard Daverne

1694        le ch. Eleonore de Beaulieu de Béthoinas

1702        le ch. Gabriel de Calonne de Courtebonne

1703        le ch. de Lusignan

.                .. de Blecourt de Tincourt

1731        le ch. Jacques François de Courmont de Courcy

1734        le ch. Joseph de Laval de Montmorency

1743        le ch. François de Bernard Daverne (ou d'Avesnes)

1766        le ch. Adrien de la Viefville d'Orville de Vignacourt

1783        le ch. Nicolas Pierre Desvos

1789        le ch. François Thérèse Géraldin (Inv. Evêché)

 

La Révolution, qui confisqua en France tous les biens du clergé, s'empara également de ceux des chevaliers de St Jean de Jérusalem. Nous avons dit ce qui advint lors de la vente de la ferme de Fontaines.

 

Il y avait à Fontaine un fief, appelé le fief de Tenailles, qui relevait de la Commanderie. C'était une ferme tenant à l'église avec une vingtaine de journaux de terre. Il appartenait en 1665 à Charles de Lancry, écuyer, seigneur de Carouge.

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