Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier
À 10 kilomètres de Montdidier, au N.E. de cette ville, se trouve, dans une situation des plus pittoresques le village de Guerbigny. Les habitations, d'un aspect assez riant s'étendent sur les deux rues qui se coupent en croix. Quand on arrive de Montdidier, on traverse d'abord un petit cours d'eau qui descend des bois situés au sud de Guerbigny, puis la rivière d'Avre ; la rue fait alors un léger coude, passe devant l'église qu'elle laisse à droite et remonte avec une pente assez raide vers Erches. En cet endroit du village, la route est bordée sur la droite par une falaise assez haute que couronnent des habitations. C'est ce qu'on appelle le Mont. C'est là que se trouvait jadis, comme nous le dirons plus loin, le château fort. On y accède par des rues très escarpées ; mais quand on est arrivé en haut, on est largement récompensé de la fatigue qu'on a eue par le spectacle dont on jouit. La vallée très encaissée en cet endroit, mais s'élargissant vers Warsy offre l'aspect d'une vaste forêt, au milieu de laquelle s'ouvrent de larges clairières où miroitent des étangs aux eaux dormantes : du milieu de cet océan de verdure émergent les toitures de quelques maisons et presqu'à vos pieds le clocher de la vieille église pointe sa flèche vers le ciel.
Une rue qui va de l'est à l'ouest coupe la rue principale un peu plus bas que l'église et atteint en se prolongeant les premières maisons de Warsy.
La population de ce village diminue d'année en année : elle était en 1837 de 712 habitants ; elle est descendue en 1850 à 674 hab. ; en 1861 à 631 hab. ; en 1870, à 582 : elle n'est plus aujourd'hui que de 563 âmes. La superficie du territoire est de 827 hectares.
Ce village ressortissait autrefois au bailliage et à la prévôté de Montdidier.
Le nom le plus ancien de ce village est celui de Garminiacum : il se trouve dans le récit d'un combat livré aux Normands. Pendant longtemps les historiens confondirent Germiniacum (Guerbigny) avec un village du même nom des environs d'Orléans ; c'est Peigné-Delacour qui le premier réfuta cette erreur géographique et démontra qu'il s'agissait bien de Guerbigny près de Roye.
Au IXe siècle en effet, les Normands avaient déjà à plusieurs reprises envahi la Picardie. Ils s'emparèrent d'Amiens en 890, et établirent un de leurs chefs à Argoeuves. L'année suivante, au printemps de 891, ils se divisèrent en deux bandes : l'une descendit vers l'Oise l'autre vint camper à Germiniacum. A cette nouvelle le roi repartit de Compiègne pour forcer l'ennemi dans ses retranchements ; mais malgré sa bravoure, il ne put aborder les fortes positions des Normands et dut se retirer. Les envahisseurs occupaient le sommet de la colline escarpée, appelée aujourd'hui Le Mont, au pied de laquelle s'étendaient des marais profonds, impraticables, de grande étendue et que traverse la rivière d'Avre. Après le départ du roi, les Normands marchèrent sur Noyon et marquèrent leur passage par la destruction d'une église de Roye et le pillage du village de Roiglise.
Revenons aux dénominations différentes qu'a repris à travers les siècles le village. Le nom latin de Garniacum s'altéra assez vite et dès le XIIe et XIIIe siècle nous trouvons Garmegny, Garmeigni, qui bientôt se transformèrent eux mêmes et donnèrent (1567. Cant. de Montdidier) la forme actuelle : Guerbigny.
Quelle est l'origine de ce village ? Il ne serait pas facile de le dire d'une façon précise, mais sûrement elle est fort ancienne. De nombreux instruments en silex recueillis sur le territoire (Mr Gaye en a formé une collection), haches, couteaux, poinçons, percuteurs, pointes de flèches, un collier de pierres arrondies et percées trouvé au bois Goron (il se trouve chez Mr Guilbert avec d'autres pièces curieuses), semblent indiquer qu'il y a eu à Guerbigny une station historique. Ce premier établissement dut être remplacé de bonne heure par un oppidum gaulois : sa position élevée, la proximité des marais, la grande étendue des bois présentaient pour cela les circonstances les plus favorables ; s'il faut en croire des renseignements particuliers que nous n'avons pas pu contrôler, on aurait trouvé un dolmen dans le bois Guesnoi - on aurait aussi découvert, non loin du Mont, un cimetière mérovingien (renseignements fournis par Mr Gaye). Il y eut donc longtemps avant l'arrivée des Normands une enceinte fortifiée : il est même probable que ces aventuriers profitèrent des avantages de la situation et que, c'est grâce aux fortifications, dont ils avaient trouvé quelques restes et qu'ils avaient rétablies pour s'établir solidement sur le Mont, qu'ils rendirent inutiles tous les efforts du roi Eudes. Plus tard, Louis IV d'Outremer, en y construisant un château fort, ne fit que continuer une tradition militaire immémoriale.
La forteresse, située sur une colline élevée, dont les flancs descendent en pentes abruptes jusqu'à la rivière, commandait la vallée et les marais environnants : des travaux considérables avaient encore ajouté aux difficultés que présentent déjà la nature des lieux. Le château était en effet défendu par de hautes murailles flanquées de tours et entourés de fossés profonds. Ceux ci existent encore en grande partie et indiquent clairement le périmètre de l'enceinte fortifiée. Il ne reste des constructions que les débris indestructibles d'une tour !
Guerbigny semble avoir joui de bonne heure de ses libertés communales. Dès le mois de mai 1226, il est parlé, dans un titre du Cartulaire d'Ourscamp (p.486), d'un certain Bernard, maire de Guerbigny. Ego dominus Nigelle. notum facio quod ab anime mae remedium concessi contui Ursicampi in perpetuam elcemognam totam terram quam emi a Bernardo, majore de Garmeni, videlicet quinque bovaria unum jornale et sexgenta virgas as virgam Roiensem - En 1276, Raoul, chevalier, maire de Guerbigny, se rend à une semonce faite à Tours par Philippe le Hardi.
Au XVe siècle, en 1431, la guerre entre les Français et les Anglais désolait nos contrées. Pothon de Xaintrailles occupait pour le roi la forteresse de Guerbigny. Il apprend un jour qu'un parti emmené sous les ordres de Thomes Kiriel se trouvait près de Bouchoir, marchant en désordre sans prendre nulles précautions. Pothon veut profiter de l'occasion : il prend une bonne partie de ses troupes, foncent sur les anglais à l'improviste et met le désarroi parmi eux. Après le premier moment de surprise, les Anglais se rallient et se défendent vaillamment. Malgré tous leurs efforts, la fortune leur est contraire : leurs chefs sont tués ou faits prisonniers. Après ce brillant exploit, Pothon, appelé ailleurs, remit la forteresse de Guerbigny aux habitants, brûla celle de La Boissière pour qu'elle ne pût servir d'abri à quelques partisans et prit avec les prisonniers le chemin de Compiègne. On a conservé le souvenir de ce fait d'armes à Guerbigny et une des ruelles portent encore le nom de ruelle Pothon.
En 1552, lors de la guerre de la France avec l'Espagne, Adrien de Croy, comte de Roeux et lieutenant général de Charles Quint, fit en Picardie une seconde invasion. Au mois de Novembre, les Impériaux campèrent à Guerbigny et de là menacèrent Montdidier : La contenance des habitants de cette dernière ville leur imposa (?) Ils se retirèrent commettant dans leur retraite toutes sortes de dégâts.
Un siècle plus tard, des troupes espagnoles vinrent encore à Guerbigny : elles étaient commandées par le prince de Condé, qui avait déserté le drapeau de la France pour celui de l'Espagne. Après s'être emparé de Roye, il vint avec 5 à 6.000 hommes de Cavalerie et autant d'infanterie s'établir à Guerbigny et de là il envoya sommer Montdidier de se rendre. Des députés de la ville vinrent trouver le prince à Guerbigny : c'étaient MM Thory, écuyer, seigneur d'Ételfay ; Verny, écuyer, seigneur de Faverolles, et Petit, échevin de la ville. Ils obtinrent moyennant le paiement d'une indemnité de guerre et la fourniture d'une certaine quantité de vivres que les Espagnols n'entreraient pas dans la ville. Montdidier, alors dégarni de troupes, était dans l'impossibilité de se défendre. Le prince se retira cinq jours après cet accord : dans leur retraite, ses troupes causèrent des maux effroyables, incendiant les villages et n'épargnant pas même les églises.
Le prince n'était pas toujours le maître d'empêcher ces désordres : il s'employait pourtant à diminuer autant qu'il le pouvait, les horreurs de la guerre. C'est ainsi qu'étant au camp de Guerbigny, le 6 août 1653, il donna à l'abbaye de St Martin aux Bois (Oise) des lettres de sauvegarde (V. de B. : Doc. Inéd. p.558).
Nous ne voyons aucun autre fait qui soit venu troubler la tranquillité de ce pays. Rien de particulier non plus n'est à signaler au moment de la Révolution.
Des lettres patentes de 1549 (juin) avaient accordé à Guerbigny l'établissement d'une foire annuelle, le 28 octobre, et d'un marché franc, le premier lundi de chaque mois. Ces jours là, les vendeurs et acheteurs étaient affranchis des droits de péage (voir plus bas) sur la pont de la rivière d'Avre. De nouvelles lettres patentes de Louis XIV (1692) portaient confirmation de cette foire et de ces marchés. On les a laissé peu à peu tomber et c'est à peine s'il en reste aujourd'hui le souvenir.
Deux arrêts, l'un du 22 février 1752, et l'autre du 10 mars 1771, nous font connaître les droits de péage que l'on percevait sur le pont de Guerbigny. On y payait 2 sols par queue de vin - 8 deniers par baril d'huile, miel ou harengs - 3 deniers par cuir tanné de boeuf ou de vaches - 10 sols par chariot de marchandises autres que du blé, graine, farine ou légumes, verts ou secs - 8 par charrette de même - un sou 4 den. par bête de somme chargée de même - 6 den. par jument ou cheval qu'on menait pour vendre - 3 den. par âne ou ânesse de même - 3 den. par boeuf ou vache de même - 3 den. par porc de même - un sou par douzaine de moutons ou brebis de même et à proportion du plus ou du moins. Ce droit n'était pas exigé des habitants de Guerbigny : on ne payait pas non plus sur ce qui était amené audit village pour y être vendu ou consommé, ni sur les denrées et marchandises qui en sortaient.
Ce droit se percevait à Guerbigny, ainsi qu'à St Mard et à Roiglise au profit de l'Hotel de Ville de Roye. Il lui avait été accordé par arrêt du Conseil d'Etat (1752) en considération des dépenses faites par le maire et les échevins pour la reconstruction des ponts et chaussées au passage duquel il se percevait.
La rivière qui traverse le village avait jadis un débit plus grand : deux cours d'eau, l'un venant du bois de Bus et Fescamps, l'autre descendant de Lignières, venaient se jeter dans l'Avre. S'il faut en croire certains dires il y avait même un service de batellerie depuis Pierrepont jusqu'à Guerbigny : un chemin de halage permettait de renvoyer les barques jusqu'à un endroit qu'on appelle encore le Cayet (quai). Nous ne connaissons aucun document qui vienne confirmer cette tradition.
Guerbigny avait un vignoble considérable : on y comptait 75 journaux de vignes. Le vin ne valait pas grand-chose, s'il faut en croire le P. Daire. Scellier est plus explicite et ses expressions plus pittoresques. "Le vin, dit-il, y faisait danser les chèvres et donnait la colique".
La seigneurie de Becquigny fut possédée de bonne heure par des familles de la plus haute noblesse. En 1744, le seigneur était Louis Armand de Seiglière de Belleforière. Nous allons donner la suite des seigneurs qui ont possédé la terre de Guerbigny : on verra comment elle est arrivée aux propriétaires actuels.
Guerbigny fit partie d'abord du fief des Grandes Tournelles. Robert de la Tournelle, VIIe du nom, n'eut de sa femme Marie de Fenières (Fignières) qu'une fille, Jeanne, laquelle porta tous ses biens à la famille de Montmorency par son mariage avec
Jean I de Montmorency, de qui
Jean II qui épousa Isabeau de Nesle : il en eut cinq enfants : 1° Hugues qui suit ; 2° Pierre qui fut seigneur de Catheleu ; 3° Jean ; 4° Jeanne et 5° Marguerite.
Hugues épousa Jeanne de Harcourt. Il fut chambellan de Charles VI. Il eut trois fils : 1° Jean qui mourut sans postérité ; 2° Antoine et 3° Hugues qui furent tués tous les deux à la bataille de Perche en 1424 et 4° une fille Catherine, qui par la mort de ses deux frères devint la principale héritière de sa maison. Elle avait deux sœurs Blanche et Marguerite.
Catherine, l'aînée des filles et héritière féodale, épousa Mathieu de Roye qui devint le possesseur de presque tous les biens des de Montmorency, entre autres de Guerbigny. Il n'eut de se femme qu'un fils qui suit.
Antoine épousa Sanebnige (Sarrebruck), Comtesse de Roucy, et eut le suivant :
Charles de Roye, seigneur des Grandes Tournelles, Guerbigny, Ailly, Sourdon, Bausseaut, Breteuil et comte de Roucy : il épousa Madeleine de Mailly : ils eurent un fils Charles qui mourut à 18 ans et une fille, Léonore.
Léonore de Roye, seule héritière de la maison de Roye, épousa en 1551 Louis de Bourbon Condé (c'était le frère puîné d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre et père d'Henri IV) et lui apporta la plus grande partie des biens, principalement le fief des Tournelles, Guerbigny, etc. En 1568, la terre de Guerbigny fut saisie par la suite d'une confiscation, mais fut rendue bientôt à son ancien propriétaire. Du mariage de Léonore de Roye avec Louis de Bourbon naquirent plusieurs enfants dont l'aîné fut :
Henri de Bourbon, lequel hérita du fief des Grandes Tournelles, de qui dépendait Guerbigny. N'ayant pas eu d'enfants de sa 1e femme, il épousa à la mort de celle ci, Catherine de la Trémouille, de qui il eut :
Henry II de Bourbon, prince de Condé, qui fut le père du Grand Condé. Il vendit en 1626 le fief des Grandes Tournelles, Guerbigny, etc. à Maximilien de Belleforrière, marquis de Soyécourt, Tilloloy et autres lieux. Celui ci avait épousé en 1618 Judith de Mesme. C'est ce Maximilien de Belleforière qui, étant gouverneur de Corbie en 1636, rendit cette ville aux Espagnols. Il fut accusé de trahison, condamné et exécuté en effigie : ses biens furent confisqués ; son château de Tilloloy fut démoli ; celui de Guerbigny fut démantelé ; les bois qu'il possédait furent coupés à 2 pieds de hauteur (1658). Mais 5 ans plus tard, Soyécourt fut réhabilité : il rentra en France, ses biens lui furent rendus et Louis XIV lui donna même de l'argent pour rebâtir son château de Tilloloy. De son mariage avec Judih de Mesme, Maximilien de Belleforière (portait : de sable semé de fleurs de lys) eut un fils qui suit :
Antoine Maximilien de Belleforière qui épousa Marie Renée de Longueil, d'où sont issus : 1° Jean Maximilien ; 2° Adolphe qui furent tués tous les deux à la bataille de Fleurus en 1690, sans laisser de postérité ; et 3° Marie Renée de Belleforière.
Celle ci, seule héritière par suite de la mort de ses frères épousa Timoléon de Seiglière (portaient : d'azur à 3 épis de l'esseigle 2 et 1), qui devint ainsi seigneur des grandes Tournelles, Guerbigny, etc, etc. De ce mariage naquit :
Joachim Adolphe de Seiglière, marquis de Soyécourt, seigneur des Grandes Tournelles, etc. Il épousa Corisandre de Pas-Feuquières, d'où sont issus :
1° Louis Armand de Seiglière, marquis de Soyécourt qui suit ; 2° Antoine Adolphe ; 3° Joachim Charles.
Louis Armand épousa en premières noces Marie Léonore de Béthune, sa cousine morte en 1756 ; et en secondes noces Marie Antoinette de Beauvillier de St Aignan, dont il n'eut pas d'enfant ; enfin (1783) en 3es noces, Wilhelmine , princesse Nassau Sarrebruck dont il eut une fille Marie Antoinette Wilhemine, laquelle épousa le marquis de St Aulaire. Ces derniers, selon toute apparence, ne laissèrent pas de postérité, car la généalogie des Soyécourt se continue par le 3e frère.
Le 2e Antoine Adolphe, chevalier de l'Ordre de Malte, mourut sans être marié en 1791.
Le 3e Joachim Charles de Seiglière, comte de Soyécourt, hérita de ses deux frères. Il épousa en 1749 Marie Sylvine de Béranger ; de ce mariage sont issus : 1° Louis François Adolphe mort en bas âge ; 2° Catherine Louise Sylvine, demoiselle de Soyécourt, qui épousa Marie Eugène Herman, comte d'Hinnisdal ; 3° Eleonore Raymonde, demoiselle de Guerbigny, mariée à Emmanuel Comte de la Tour en Voivre ; 4° Françoise Camille, qui fut carmélite : sa vie a été écrite ; 5° Adolphe Fois Joachim, vicomte de Soyécourt, né en 1760, mort en 1786, sans être marié et 6° Adolphine Françoise, morte en bas âge. Joachim Charles fut exécuté en 1794 ainsi que la comtesse d'Hinnisdal sa fille.
La maison de Soyécourt n'ayant pas d'héritier mâle se fondit dans celle d'Hinnisdal (portait : de sable au chef d'argent, chargé de 3 merles de sable).
La terre de Guerbigny relevait de la Salle du Roy à Montdidier.
Il y avait à Guerbigny de nombreux autres fiefs :
1° Le fief de Baconval, qui consistait en cinq journaux de pré, 3 journaux de bois et un jardin contenant un journal de terre : il avait haute, moyenne et basse justice. Ce fief se trouvait sur le chemin d'Andechy à Guerbigny. En 1539, il appartenait à la famille de Roye. En 1559, il était entre les mains de Charles de Roye, qui s'intitule seigneur de Baconval et de Guerbigny ; en 1565, entre celles de Henri I de Bourbon, fils de Louis prince de Condé et de Léonore de Roye (supra). Ce fief fut vendu avec la terre et seigneurie de Guerbigny, en 1626, à Maximilien de Belleforière, seigneur de Soyécourt etc.
En 1653, le relief en fut fait par la veuve du précèdent, Judith de Mesme, et en 1685 par Jean Maximilien de Belleforière - en 1692, par Marie Renée de Longueil, Vve de Maximilien Antoine de Belleforière. Enfin en 1744, il appartenait à Louis Armand de Seiglière de Belleforière.
2° Le fief de Beauvillé, d'autant plus digne d'attention qu'il donna son nom à une branche de la famille Cauvel. Celle ci était originaire de la Suède ; elle vint s'établir en France vers le XVe siècle et se divisa en trois branches : les Cauvel de Carouge, ceux de Beauvillé et ceux de Mocreux. La seconde branche subsiste encore à Montdidier et, comme nous venons de le dire, elle tire son nom du fief situé à Beauvillé dont elle est en possession depuis le XVIe siècle. Le 20 juin 1605, Pierre Cauvel acheta à sa parente Anne Cauvel plusieurs immeubles parmi lesquels le fief de Beauvillé avec la maison d'habitation sise à Guerbigny, les dépendances, les droits de haute, moyenne et basse justice et les levées de censives. En 1610, le nouvel acquéreur fournit le dénombrement de sa terre à François d'Hervilly, seigneur de Devise, de qui relevait le fief de Beauvillé.
V. de Beauvillé, l'historien de Montdidier, est le plus illustre représentant de la famille des Cauvel de Beauvillé. Son frère, Félix, a eu un fils qui a épousé en . N. d'angel d'Aumont, d'où..
Les Cauvel de Beauvillé portent : d'azur, à 3 gourdes d'argent, 2 et 1.
3° Le fief de Boitteaux qui consistait en en 8 livres de censives à prendre sur plusieurs maisons, moulins, prés et vignes ; et 12 verges relevant du fief de Beauvillé avec lequel il se confondit plus tard.
4° Le fief des Maretz consistant en 21 journaux 88 verges de terres, prés et bois (bois Haguedos ou Aiguesdoux). Il avait en outre le droit de se présenter à la chapelle Ste Marie Madeleine. Mr Pierre de Bosquillon, sieur de l'Etoile, qui en avait acquisition en 1639, fit présent de ce droit à l'Hotel de Ville de Montdidier.
5° Le fief Héronval : il se trouvait près des bosquets à la chapelle.
6° le fief de Bettencourt consistait en 2 journaux 60 verges et des censives.
7° le fief du Gros Buisson consistant en 28 journaux.
8° la fief Brunette, qui consistait en 16 journaux.
9° le fief Devicourt, qui consistait également en 16 journaux en plusieurs pièces.
10° le fief St Arnould, dont le chef lieu était le presbytère : il comprenait 31 verges.
11° enfin le fief Trinceret : il consistait en un domaine, un héritage, un pré et 3 journaux 77 verges de terres.
L'église de Guerbigny date de la fin du XIIe siècle : elle a été restaurée avec goût en 1864. Sa façade triangulaire n'offre aucune décoration : elle est couronnée au sommet par une statue de St Pierre assis dans la cathedra et portant le Regnum. Le portail avec ses ornements et ses piliers est du style roman. Les fenêtres du chœur sont ogivales. Sur le côté droit de l'église se trouve une tour qui semble écrasée par le clocher en charpente qu'elle porte en encorbellement. Le clocher contient quatre cloches.
La nef à l'intérieur est séparée des bas côtés par de gros
piliers ronds : elle est éclairée par des fenêtres étroites, qui indiquent
l'époque romane. Le chœur, les chapelles du transept sont du XVIe siècle. La
chapelle de droite, appelée la chapelle Ste Croix, renferme une sculpture assez
curieuse. Contre la muraille est appliquée une énorme croix en pierre qui a la
forme d'un tronc non équarri : à droite et à gauche sont sculptés en relief sur
la muraille les instruments de la passion, la colonne, la lance, les fouets. Au
dessus le soleil et la lune. Au bas de la croix se tient le Christ couronné
d'épines, les mains liées. les vêtements, les dés dont on s'est servi pour les
tirer au sort, les pièces d'argent, prix de la trahison, sont à côté de lui.
Enfin à droite St Pierre présente le donateur, qui porte une banderolle sur
laquelle on lit en caractères gothiques : qui pro nobis passus es.
et à gauche Ste Catherine présentant la donatrice, qui inscrit sur la banderolle
ces mots : Dne miserere nobis.
L'ensemble de cette représentation est certainement très curieux.
Les fonts baptismaux de l'église de Guerbigny sont peut être les plus remarquables de tout le canton. Nous n'en n'avons nulle part d'aussi élégamment travaillés. La cuve de forme carrée, ornée de festons et de guirlandes repose sur un fut sculpté et était soutenue primitivement aux angles par quatre colonnettes : celles ci ont disparu : l'effet n'est pas disgracieux. Les sculptures sont plus visibles : des anges séparent les quatre sujets qui forment l'ornementation du support de la cuve ; ce sont par devant le baptême de N.S. à droite, St Pierre et St Paul, à gauche l'Assomption de la Vierge ; les anges qui l'accompagnent tiennent une couronne au dessus de sa tête. 4° Par derrière, St Jean ?. En dehors on lit sur le bandeau qui entoure la cuve l'inscription :
O MR DEI MEMENTO MEI.
Autour de la cuvette de plomb intérieure, on lit : Jesus, via,
veritas et vita.18. 1657. Sur le fond de la même cuvette sont les lettres
FL.NC.SP., dont personne jusqu'ici n'a pu deviner le sens.
La paroisse de Guerbigny appartenait avant la Révolution au doyenné de Rouvroy. Le présentateur à la cure était le prieur de St Arnould de Crépy, par concession de l'Evêque d'Amiens Geoffroy en 1108. Le prieur avait le 1/3 des dîmes et l'abbesse de Monchy les deux autres tiers, sauf sur le fief de Beauvillé où les 2/3 avaient été inféodés et appartenaient au sieur Cauvel.
Le revenu qui était de 600 livres en 1728 d'après la déclaration du curé, s'était élevée en 1789 à 901 livres.
Voici la liste des anciens curés de Guerbigny :
1614 Jehan Lachon (il y a encore un bois Lachon)
1636 André Choule
1670 Jean Bordé
1681 Michel Dupuis : il avait un vicaire, François Helluin. Il mourut en 1726 et fut inhumé dans le chœur.
1726 François Firmin Wasse. Ce curé mourut en 1782 à l'âge de quatre vingt trois ans, eut successivement pour vicaire : - 1754 : Véret : il devint curé de Villers les Roye - 1756 : Darou - 1759 : Brunel - 1777 : Grenot - 1782 : Riquet.
1782 Adrien Riquier, vicaire d'abord, fut nommé à la cure. il eut pour vicaire M. Moirez. Il fut le dernier curé avant la Révolution. Les registres clos le 28 octobre 1792 furent remis au citoyen de Bove, maire.
Lorsque les églises furent rouvertes après la tourmente révolutionnaire, et que de nouvelles circonscription eurent été établies, Guerbigny fut réuni au doyenné de Montdidier. Depuis cette époque la commune a eu pour curés :
. Adrien Riquier ?.
1826 Martin Ambroise Loir
1845 Jean Baptiste Boissard
1879 Arthur d'Hallu, depuis chanoine prébendé de N.D. d'Amiens.
1880 Jules Bernard.
Il y avait, outre la cure, cinq chapelles fondées :
I- La chapelle Ste Croix. Le présentateur était en 1728 Me Bertin, seigneur d'Inneville. Le Pouillé de l'Archidiaconé dit que cette chapelle était à la nomination du lieutenant général de Montdidier, qu'elle jouissait de 45 journaux de terre et que le titulaire était tenu de deux messes par semaine.
En 1728, le revenu était de 134 livres, charges déduites. Le titulaire était Antoine Cozette.
Notons en passant que la famille de Bertin était originaire de Guerbigny. Cette famille occupa pendant plus de deux cents ans à Montdidier les premières charges de la ville. Le dernier représentant de cette illustre famille fut Louis Joseph de Bertin, chevalier, seigneur d'Innveille, conseiller du Roi, président au bailliage, lieutenant général du gouvernement de Péronne, Montdidier et Roye. Il mourut le 5 mars 1806.
II- La chapelle de St Jean du Mont. C'était la chapelle castrale : elle était séparée de l'église. "Elle avait été bâtie, nous dit Scellier, au milieu du marché, en haut de la Montagne, près du château". Le collateur de plein droit était l'Evêque. D'après la déclaration faite en 1728 par le titulaire Me Claude de Rouvroy, le revenu net était de 98 liv. 16 sols. Le fermier était en outre tenu de faire acquitter une messe par semaine. Il avait la charge des menues réparations du chœur d'Andechy à cause de la dîme qui s'y prenait.
III- La chapelle de la Madeleine. Elle avait été fondée dans l'église du lieu par Pierre Noiret, demeurant à Guerbigny, suivant son testament du 26 février 1475.
Le titulaire était, en 1730, Me Jacques Gouillard : sa déclaration, rectifiée par le bureau, nous apprend que les revenus, déduction faites des charges, s'élevait à 142 liv. ; il était tenu à une messe par semaine, et recevait pour ce 26 liv.
Cette chapelle avait été unie à la principalité du collège de Montdidier, le 15 oct. 1684. Nous avons vu plus haut que Pierre de l'Etoile, propriétaire du fief Maretz, avait fait don au maïeur et aux échevins de Montdidier du droit de nomination à la chapelle de la Madeleine, lequel droit était attaché au fief. Il mit à sa donation la condition que l'on nommerait toujours le principal du collège. Le prieuré de N.D. en ayant fait l'abandon en 1687, l'échevinage donna la chapelle à Louis de la Morlière, curé de St Martin de Montdidier, qui fut en outre nommé principal du collège.
IV- La chapelle St Nicolas, réunie à l'Hotel Dieu de Montdidier. Cette union fut prononcée par lettres patentes du roi Louis XIV le 15 juillet 1695, en exécution de ses édits et déclarations des mois de mars, avril et août 1693. La chapelle qui était sans titulaire depuis un temps immémorial était incorporée et confondue dans la maladrerie de Guerbigny, située au lieudit : bois de l'Ermitage - Bosquets - Sous la chapelle. Il est probable que c'était la chapelle de l'ancienne maladrerie. Le revenu était de 20 livres.
Scellier cite une cinquième chapelle à laquelle il donne le nom de Notre Dame du Mont. Il y a simplement confusion de nom. Après la démolition de la chapelle castrale de St Jean, on avait transporté dans la chapelle de la Vierge de l'église de Guerbigny la statue de St Jean provenant de l'ancien oratoire. Le titulaire de l'ancienne chapelle St Jean continua de dire dans l'église la messe à laquelle il était tenu chaque semaine et en souvenir de l'emplacement de la chapelle castrale, on s'habitua à dire N.D. du Mont. Le revenu était le même. Scellier doit faire une erreur en disant qu'elle était à la nomination du seigneur du lieu. Il est certain que l'Evêque conserva son droit de collation.
Parmi les lieux dits, qui se trouvent dans un ancien plan terrier, nous relevons les suivants : les Beaux Prés - les Bosquets à Vignes - Bosquets de l'Ermitage (où était la maladrerie) - La Cense (on y trouve beaucoup de silex travaillés) - Le bois Laihon - L'Homme Mort (on y voit les vestiges d'une tombelle) - Le Malvant - Moulin Brachaut (c'était un moulin à huile qui appartenait à l'abbaye d'Ourscamps) - le Juste au Corps - La Justice - Les Vignes Falise - Vignes de Etuves - Vignes des Epinettes - Les Vignes de l'Hotel Dieu - la Nid d'Agache - les Cauchiettes, etc, etc.
Liste des Maires - Nous avons déjà vu que le 1er maire fut en
1792 .. de Bove
.. .. Cabaille, officier public
An IV Jean Baptiste Véret, agent municipal
An VI id , maire
1831 Louis Joseph Paillart, beau fils du précèdent
1876 J Emile Paillart
1884 Edouard Delattre
1892 Edouard Tourais
Au moment où l'on construit de nouvelles écoles à Guerbigny, on ne lira pas sans intérêt, croyons nous, des extraits d'actes anciens concernant précisément le même objet et aussi le mode de paiement du magister (c'était alors un nom dont on était fier). On verra que, bien avant 1789, on s'occupait de l'instruction des enfants et du sort des instituteurs, contrairement à ce que prétend un certain parti.
Il y avait donc depuis longtemps une école à Guerbigny : mais elle tombait de vétusté, en 1782, et de plus on la trouvait insuffisante. Les habitants de Guerbigny et de Warsy qui ne formaient qu'une seule paroisse étaient d'accord pour reconstruire leur école. Seulement on souleva des difficultés sur le mode de paiement du commun magister : on le trouvait injuste et insuffisant "Car rapporte la requête (avril 1782) les célibataires de l'un et l'autre sexe, ayant ménage à part ne payaient rien et 2° les plus haut cotisés à la taille ne payaient pas plus que les moins imposés. Ce qui répugne à la justice qui devrait se rencontrer dans cette espèce de contribution publique où la proportion géométrique doit toujours être observée".
"Ce qui peut avoir donné lieu à double abus, ajoute la mémoire, c'est qu'autrefois le nombre de célibataires était moins grand, et que d'un autre côté l'égalité de fortune régnait davantage parmi les membres des deux communautés dont l'occupation était de cultiver la vigne, genre de production qui ne met guère d'inégalité parmi ceux qui s'y livrent, et, s'il s'en rencontrait quelquefois, elle était compensée par une plus ample contribution dans la quête du vin que le magister était dans l'usage de faire dans la paroisse. Mais, depuis que l'intempérie des saisons a fait négliger cette culture, la quête du vin ayant cessé d'avoir lieu, les gages du magister, faute de suppléments, sont insuffisants."
Les habitants proposaient donc à Mr l'Intendant un nouveau projet de contribution. On formait quatre classes de contribuables. La 1e composée des 48 plus bas imposés ne devaient par chacun qu'un boisseau de blé par an ; la 2e composée des 30 suivants les moins imposés, paieront chacune deux boisseaux par an. La 3e était composée du reste des habitants de Guerbigny et de Warsy, à l'exception de 33 d'entre eux, choisis parmi ceux qui avaient le plus de tailles (22 pour Guerbigny, 11 pour Warsy) : chacun devant payer 3 boisseaux. Les 33 plus hauts imposés auraient payé chacun 4 boisseaux par an. ceci aurait permis de payer, outre le magister, un homme qui aurait chanté à l'église les jours ouvrables, tandis que le magister aurait fait son école, de laquelle autrement il est complètement détourné.
Tout le monde ne tomba pas d'accord sur ce projet : on convoqua donc une assemblée générale en juin 1782. On convint qu'il était absolument nécessaire de reconstruire à neuf le bâtiment de l'école et on décida qu'on ferait une classe de 18 pieds de long sur 17 de large avec un logement pour le maître d'école. A l'égard du mode de traitement du magister, comme le dissentiment subsistait entre les habitants, Mr Pucelle, subdélégué de l'Intendant, dans un mémoire adressé à ce dernier le 4 septembre 1782, déclara qu'il y avait lieu, à son avis, d'user d'autorité.
Mr Chauvelin, Intendant de Picardie, approuva ces conclusions et ordonna les travaux de reconstruction. Par une autre ordonnance, il décida que la paiement des gages du magister aurait lieu à raisons de deux boisseaux par ménage et d'un boisseau par demi ménage. De plus, le rôle de répartition desdits gages devait lui être présenté à la fin de chaque année pour être vérifié par lui et rendu exécutoire (Ordonnance du 12 7bre 1782).
On aura lu, avec un vrai plaisir, croyons-nous, les documents intéressants à plus d'un point de vue. Aujourd'hui même (1894) on bâtit de nouvelles écoles : on fait plus grandiose qu'en 1782. Les nouveaux bâtiments présenteront sur la rue principale une longue et magnifique façade terminée par deux pavillons, devant servir de logement l'un à l'instituteur et l'autre à l'institutrice. Au milieu de la façade s'élèvera un pavillon plus majestueux et plus orné : il contiendra la mairie (salle des séances du conseil et greffe). A en juger d'après les croquis qu'on a mis sous nos yeux, ce sera un vrai palais. L'achat des terrains et la construction des bâtiments coûteront, paraît-il, plus de 40.000 F. Il serait curieux de mettre en regard la part contributive de chaque ménage à ces dépenses.