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Rotincia - Accueil Accueil Rotincia > Ressources > Le Canton de Montdidier

Description
du Canton de
Montdidier
par M. l'abbé Godart

Notes historiques et archéologiques sur les communes du canton > Marquivillers

Nous nous sommes servi pour notre notice sur Marquivillers de la savante monographie de Mr l'abbé Gosselin, publiée dans les Mémoires de la Société d'Émulation (Tome XVII).

Marquivillers, situé à 11 kil. à l'E. de Montdidier, est assis au milieu d'une belle plaine. Le voyageur aperçoit de loin la haute tour du clocher : elle domine les arbres au milieu desquels le village se cache.

Marquivillers est bâtie sur le bord d'une chaussée romaine qui conduisait de Rhodum à Beauvais. Cette voie longe le village au Sud depuis le lieu dit la Croix d'Hangest jusqu'au château, et de là s'en va par Faverolles à Montdidier : c'est le Chemin Vert connu aujourd'hui sous le nom de Grand Chemin de Montdidier. Marquivillers n'a conservé que de faibles traces de la domination romaine : quelques pièces de monnaie, quelques tuiles à larges rebords, voilà tout ce qu'on a trouvé sur le territoire.

En 1439, Marquivillers, dont le nom se trouve sur la liste des villes appartenant aux pays du duc de Bourgogne comptait XL feux (V. de B. : Pièces justif.).

A la fin du siècle dernier (1795), la liste des âmes "vivente dans la commune" porte 265 noms. En 1850, on comptait 244 habitants ; d'après le dernier recensement, on ne compte 270.

La superficie du territoire est de 575 hectares. La population tout entière s'occupe aux travaux des champs.

Le nom du village a subi dans la suite du siècle diverses modifications. Mr Garnier, dans son Dict. topographique de la Somme, donne vingt deux formes différentes du nom du pays. Il est inutile de les reproduire ici : il nous suffira de faire remarquer que presque toutes se rapportent à deux types bien distincts : Marcaisvillers, Markaisviler et Marquivilliers ou Marquevillers, d'où définitivement Marquivillers.

Ce village ressortissait au bailliage et à la prévôté de Montdidier. Il avait une mesure agraire particulière. Son journal était de 105 verges de 20 pieds 2 pouces et valait 45 ares 46 centiares.

Marquivillers, n'ayant jamais eu de château féodal, n'a pas attiré l'attention : il traversa donc les temps troublés de notre histoire sans avoir trop à souffrir. En supposant que pendant les dernières guerres du XVIIIe siècle, ce village ait vu des soldats ennemis, du moins ceux-ci n'ont-ils pas marqué leur passage par des meurtres ou des incendies. Les seuls faits à signaler seraient donc des sinistres causés par les éléments. Ainsi, le bourgeois Scellier nous apprend que le 3 juillet 1742 une grêle désastreuse anéantit une partie des récoltes : les fermiers de l'église demandèrent à cette occasion et obtinrent une diminution de leurs charges.

Le 15 novembre 1794 (An II), tous les titres féodaux furent brûlés sur la place publique en présence des habitants appelés au son de la cloche. Il n'est pas besoin de dire qu'à Marquivillers comme ailleurs les cloches furent descendues, l'église fermée et le culte interdit. La municipalité de cette commune ne donna pas, comme tant d'autres, dans de déplorables excès : elle subit les exigences de la loi, sans faire parade du zèle républicain. Aussi vit-elle avec joie l'heure de la réouverture de son église. Dès l'an XI, elle votait les sommes nécessaires pour les réparations à faire à l'édifice et demanda à Mr Lendormy, devenu propriétaire de l'ancien presbytère, de vouloir bien en faire l'abandon à la commune.

Le domaine et la seigneurie de Marquivillers ont appartenu dès l'époque la plus reculée à l'abbaye de Corbie. Celle-ci en reçut un cinquième comme don au mois d'avril 1224 : elle acheta les quatre autres cinquièmes de Nicolas, maire de Popincourt, Bus, Fescamps et Marcaisvillers.

L'abbaye possède la seigneurie, les dîmes, champarts, censives, droits de lots, ventes et 10 journaux à la sole. Outre les rotures, occupées par les habitants, il y avait sur le territoire six fiefs ou tenures nobles dont nous parlerons plus bas.

Mais de bonne heure, l'abbaye avait la seigneurie en fief. Elle en racheta plus tard des portions : ainsi au mois d'octobre 1318, elle racheta de Pierre de Thanes (Thennes ?), écuyer, les terrages avec toute justice et seigneurie, cens et rentes qu'il avait à Marcaisviller (Tit. de Corbie, Amr. 3).

On est fondé à croire que les premiers seigneurs feudataires portèrent le nom du pays. Avant 1232, Christophe Pèlerin de Marchaviller vend huit bouverées (bovaria) et 1/2 de terre à Mathieu de Chessoi (Saulchoy). En 1233, un Pérégrin de Marchaviller, le même sans doute que le précèdent, donne huit sols parisis pour un échange.

Enfin, Mr Darsy a trouvé dans les titres de l'Evêché un Mathieu de Markaisviller qui, le 3 février 1271 jour de St Vincent, fils de feu Albéric, chevalier, fonda audit lieu une chapelle à la collation de l'Evêque et la dota de plusieurs terres, sises aux terroirs de Beaupuits (de bello Pucheo ; on ne connait plus d'endroit ainsi nommé) et à celui de Kaisnoy (de Kainseto) qui se trouve à la limite de Marquivillers et de Guerbigny.

Le premier chapelain fut Raoul Pèlerin, fils de Hue Pèlerin de Roye : il avait été choisi par le fondateur. C'était évidemment un membre de la famille dont nous avons parlé plus haut et un parent d'Albéric de Markaisviller.

Cette famille disparut bientôt. Un demi siècle plus tard, la seigneurie passa aux mains de la famille de Laboissière (voir Laboissière).

A la fin du XVe siècle, la maison de Rouy remplace celle de Laboissière dans la seigneurie de ce nom et dans celle de Marquivillers et s'intitule seigneur de Laboissière et de Marquivillers.

Le domaine de Laboissière et de Marquivillers passa sans interruption et par alliance de la maison de Rouy à celle de Lannoy.

Cependant, le P. Daire veut qu'elle soit entrée pour un temps dans la famille des du Caurel. Guillaume du Caurel, chevalier, Conseiller du Roi, paraît à la rédaction des coutumes du gouvernement d'Amiens, en qualité de seigneur de Marquivillers, Boussicourt, etc. Nous croyons qu'il y a une erreur et qu'il ne s'agissait que de la seigneurie du fief de Marquivillers.

Quant au domaine et à la seigneurie de Marquivillers, ils passèrent avant la fin du XVIIe siècle dans la maison de Lorraine par le mariage de Anne Elizabeth Comtesse de Lannoy avec Charles IIIe de Lorraine, prince d'Elbeuf.

Quelques années plus tard, les domaines de Marquivillers et Laboissière passèrent à une autre branche de la maison de Lorraine, à celle de Vaudemont par suite du mariage d'une fille de Charles de Lorraine avec son cousin Charles Henri prince de Vaudemont. Celui-ci mourut en 1723. Depuis plusieurs années déjà, domaine et seigneurie avaient été achetés par MM Aubert, de Roye, chargés d'affaires des princes de la maison de Lorraine.

La seigneurie fut d'abord détenue simultanément par les deux branches de cette famille et les intérêts restèrent longtemps confondus. Plus tard pourtant, tandis que la branche des Avesnes possédait exclusivement en apanage la seigneurie de Grivillers, celle de Rozainville avait celle de Marquivillers et y fixa même sa demeure. On peut voir dans la Notice de l'abbé Gosselin la suite généalogique de cette dernière branche. Le dernier représentant mâle fut Marie Pierre Charles Aubert de Rozainville, seigneur de Marquivilliers. Il passa sans éprouver trop d'ennuis l'époque de la Révolution, remplit un certain temps les fonctions de maire et mourut à Roye en 1840, ne laissant qu'une fille Marie-Louise, laquelle se maria en 1817 à Jules Auguste Jacques de Louvencourt, chevalier, ancien officier de chevaux légers. De ce mariage sont issus deux enfants : un garçon et une fille qui épousa Mr d'Estouilly et lui apporta en dot une partie du domaine.

Le château bâti par Mr de Rozainville n'offre rien des dimensions ni de l'élégance qu'on rencontre habituellement dans les maisons de ce genre. Il fut mis en adjudication à la vente des biens de Mr Aubert de Marquivillers, dernier du nom, et ne trouva pas alors d'acquéreur. Il fut acheté plus tard par Mr V. Mauduit qui l'a transformé et en a fait une maison de campagne assez élégante.

Il y avait, comme nous avons dit précédemment, sur la territoire de Marquivillers six fiefs nobles :

I- Celui du Petit Hangest. Il consistait en 78 journaux de terres labourables, 6 journaux de bois, 3 livres 46 den. de censives en argent, 27 chapons 2/3, une poule, 5 lots de vin et 2 paires de gants. En 1731, il appartenait pour 1/4 à Pierre Aubert de Rozainville ; le reste était entre les mains de la veuve et de enfants de Louis Aubert des Avesnes.

II- Le fief de la Motte ou de la Mothe-au-Bos (XIVe siècle). C'était le plus important. Il comprenait le grand et le petit La Motte qui étaient des seigneuries différentes. Le 1er consistait en 100 journaux réunis à la seigneurie de Guerbigny. Le 2nd consistait en un bosquet, dit de la Motte, 5 journaux de pâtures et autant de près. A ce fief étaient attachés des droits de censives et un droit de pêche dans les eaux de l'Avre. Pendant tout le XVIIIe siècle, il appartint à la maison de Seiglière de Belleforière.

III- Le fief d'Inneville. Il relevait de la Tournelle de Montdidier. Pierre de Bertin, lieutenant criminel au bailliage de Montdidier, anobli en 1599, en avait pris le nom et s'appelait sieur d'Inneville. Ce fief resta dans cette famille pendant plus de deux cents ans. Le dernier représentant, Louis Joseph de Bertin mourut en 1807.

IV- Le fief de Marquivillers. Ce petit fief avait sa cense et tout fait supposer qu'elle était bâtie vis à vis de l'église, aux lieu et place de la ferme qu'on y voit aujourd'hui. Ce fief et les deux suivants dépendaient de la seigneurie de Marquivillers et appartenaient au siècle dernier à la maison d'Ailly.

V- Le fief de la Tombelle, situé au bout de la rue actuelle de Guerbigny.

VI- Le fief Charles, au N.O. La désignation et le nom sont restés à un lieu dit le bois Charlettes. Il fut possédé d'abord par la famille Charles de St Aignan qui lui donna son nom. Dès avant 1677, il était passé en la maison d'Ailly.

Marquivillers appartenait pour la spirituel au doyenné de Rouvroy. On ne sait rien sur l'origine de la paroisse ; on ignore également comment l'Evêque d'Amiens devint le collateur de la cure. Il nous semble probable que la chapelle fondée par Mathieu de Markaisvillers obtint plus tard, avec l'augmentation de la population, un titre curial et que les terres de ladite chapelle formèrent la première dotation de la cure.

La dîme se partageait par tiers entre l'Evêque d'Amiens, l'abbé de Corbie et le curé du lieu. Mais, d'après un dénombrement de 1301, publié par Mr Garnier, l'abbé de Corbie aurait eu les 2/3 de la dîme, laissant l'autre tiers à se partager inégalement entre l'Evêque et le curé.

L'église est un édifice assez vaste dont le chœur et le sanctuaire sont de construction récente (1868). La nef est de style ogival primaire, c'est à dire de la première moitié du XIIe siècle. De lourds piliers quadrangulaires la séparent des deux collatéraux, voutés transversalement, comme à Guerbigny. Le chœur était du XIIIe siècle : c'était la plus belle partie de l'édifice ; on dut le démolir parce qu'il menaçait ruines.

Le clocher se compose d'une grosse tour carrée en pierre avec base en grés ; très élevé et surmonté d'une flèche pyramidale en charpente, il date de 1693, époque à laquelle il a remplacé l'ancien. La façade principale n'a pas d'entrée, mais deux portes en plein cintre se trouvent sur les faces latérales : celle du côté nord sert d'entrée ; c'est une arcade en pierre assez large, mais sans élévation.

L'intérieur de l'église n'offre rien de remarquable. Le tabernacle du maître autel et les lambris du chœur sont pourtant d'un assez beau travail.

A signaler : une fort belle copie d'un Christ au jardin des oliviers, de Lebrun. Aussi deux statues anciennes : l'une de Ste Catherine, œuvre du XVe siècle. Les plis de la robe que la sainte relève de la main gauche sont gracieusement drapés ; l'autre statue, en bois également, représente le patron de la paroisse, St Aubin, évêque d'Angers : il est assis sur la chaire épiscopale : la pose est un peu raide ; cette statue est de la même époque que la précédente.

L'objet le plus curieux, c'est un petit seau à eau bénite, accroché en temps ordinaire à la porte d'entrée. Il est en bronze et mesure 0,30m de hauteur : trois griffes en forment les pieds et les extrémités de l'anse sont retenues par des têtes de monstres. Sur la bordure se lit cette inscription en lettres gothiques : sancte mauridi ora pro nobis. D'où vient le vase et pourquoi cette invocation ?

Le clocher renfermait trois cloches avant la Révolution : elles avaient été refondues en 1777 par Philippe Cavillier de Carrépuits. On n'a conservé que la plus grosse : elle pèse 450 kilogr.

 

Voici la liste des curés connus de Marquivillers :

En 1550         Simon le Mareschal était en fonction

15.       Pierre le Flament : il mourut en 1563

1563   Bernard Sarot

1566   Pierre Le Roy

1594   César Mengueux, d'après le compte de 1599

1606   Nicolas de Guchengnie : ce nom existe encore, il s'est transformé en Deguéhégny.

1639   Florent de Béry

1642   Pierre Bonvarlet

1667   Hubert Goniardot

1675   Pierre Hérissier (ou Lerissier) : maître ès arts en l'Université de Paris ; il était natif de Roye.

1694   Pierre Dangy (ou Daugy)

1696   Louis de la Massonière. On possède de lui un inventaire des papiers, livres, ornements et linges de la fabrique.

1700   Antoine Cantillon

1726   Louis de Beauvais

1734   Thomas François Macquet. Ce fut un enragé plaideur : il soutint contre ses paroissiens de nombreux et longs procès.

1754   Charles Nicolas Bosquillon, qui devint prieur de St Faron d'Esclainvillers.

1780   Noël Luglien Lendormy. Ce fut le dernier curé avant la Révolution : quand la tenue des registres de l'état civil fut enlevée au clergé, il fut chargé pour un temps des fonctions de greffier. Obligé de quitter la commune, il résolut de mettre à profits ses connaissances en médecine et suivit les armées en qualité d'aide-major. Mais, dès 1805, quand les temps devinrent plus calmes, il se réinstalla dans l'ancien presbytère qu'il avait acheté comme bien national, reprit les fonctions de son ministère et donna à ses paroissiens les secours de l'art et de la religion. Ses infirmités l'obligèrent de prendre sa retraite en 1822 ; c'est à Roye qu'il passa ses dernières années.

1822               Jean François Delaporte était alors curé de Laboissière, mais il habitait Marquivillers : après le départ de Mr Lendormy, il demanda cette dernière cure et l'obtint.

1848               François Etienne Clochepin. Il était précédemment curé de Grivillers : après sa nomination comme curé de Marquivillers, il continua de résider à Grivillers, qu'il desservit, dut quitter la commune vers 1852 pour raisons de santé et mourut à Lommelet en 1867.

1852               Laurent Tarlier, qui fut depuis curé de Rogy.

1861               Julien Louis Henri Gosselin, ancien vicaire de Bray, puis curé de Pertain, doyen de Nouvion, et chanoine en 1894.

1864               Eléonor Constant Beaurain, qui devint curé de Falvy.

1878               Abélard Roch Floury, aujourd'hui curé de Braches.

1885               .. Manier

1890               .. Caron, en exercice.

 

Il existe encore à Marquivillers un vieil usage. La nuit du Jeudi au Vendredi Saint, pendant que les adorateurs prient devant le tombeau, les enfants de chœur à minuit sortent de l'église et vont crier par les rues du village la formule bien connue : Réveillez-vous, etc.

 

Parmi les lieux dits, nous citerons : la Sentier de Houliers - le Bois de Mouy, aujourd'hui défriché et ainsi nommé du nom de la famille à laquelle il appartenait - le Chemin de Bracheux : des excavations qui se sont produites en cet endroit, les nombreux débris de constructions que le soc de la charrue ramène au jour peuvent faire supposer qu'il y eut là autrefois un centre d'habitations - Le Camp de Corbie et non loin le Clos de Corbie : c'est là, comme l'indique suffisamment le nom, que l'abbaye de Corbie, après avoir cédé la seigneurie en fief, avait établi la grange dîmeresse et la cense destinée à l'exploitaiton des terres qu'elle avait gardées - Les Vignes, à l'Ouest du village : les vignobles de Marquivillers étaient encore cultivés en 1770. Il y avait là des clos dont les titres anciens ont conservé les noms ; ainsi, la Mariole, la Terte, le Clos aux Chiens - la Justice, où s'élevaient les fourches patibulaires : ce qui rappelle que le seigneur avait le droit de haute, moyenne et basse justice ; ce lieu se trouve sur la côte qui domine la vallée de l'Avre - la Folemprise, située dans la vallée au delà de la ruelle des Vignes.

Nous terminons par la liste des maires :

1792  Pierre Bourguignon

1793  Louis François Defoulloy

17.      .. Duchemin, officier municipal

An IV Clément Pierre Bourguignon, agent municipal

An VIII          Pierre Bourguignon, 2°, maire

1808  Pierre Charles Aubert de Rozainville

1832  Jean Louis Delaporte

1854  Charles Joseph Ulysse Lefebvre

1861  Eugène Delaporte

1884  Victor Mauduit

1888  Casimir Pellieux

 

Voici l'inscription de la cloche de l'église de Marquivillers :

Je pèse 900 liv. poids de marc ;

Me J. Charles Delacorne, marguillier ;

St Aubin, patron de Marquivillers,

         Prie pour nous.

L'an 1777, j'ai été bénite par Me

Bosquillon, curé de ce lieu.

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