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À 4 kil. de Montdidier, vers le S.O. en suivant la route départementale n° de Rouen à La Capelle, on rencontre un village propret. C'est le Mesnil St Georges, situé sur un plateau élevé, il fait face à la hauteur sur laquelle s'étend Montdidier. Aussi de ce village jouit-on d'une vue magnifique de la ville.
La population, qui était de 200 habitants en 1700 et s'était élevée à 238 en 1862, n'a donné au dernier recensement que 176 âmes. La superficie du territoire est de 603 hectares. Il existe aux archives départementales un plan du Mesnil St Georges du XVIIIe siècle (Fonds de l'Int. C963).
Si l'on cherche l'étymologie du nom de ce village, le mot mansile, demeure, manoir se présente naturellement à l'esprit. Postérieurement on a ajouté au nom primitif le nom du patron de l'église. Mr Goze donne deux dénominations qui ne se trouvent pas dans le Dictionnaire Topographique de Mr Garnier : Maignil en 1216 et Maisnilium, en 1343, sans indiquer néanmoins dans quels actes il a trouvé ces formes particulières.
L'origine du Mesnil doit être bien ancienne si l'on se rapporte aux vestiges assez nombreux, haches, couteaux, racloirs, etc, qu'on y a trouvés de l'industrie préhistorique. Nous devons signaler en passant le magnifique couteau en silex (calcédoine), trouvé au Mesnil et qui aujourd'hui se trouve dans le cabinet de Mr Hourdequin, dit Musée de Montdidier. C'est un des plus beaux que nous connaissions : il mesure 0,32m de longueur sur 0,04m environ de largeur vers le milieu. Ce magnifique instrument dont les extrémités se terminent en pointes effilées est de l'époque moustérienne.
Mr de Beauvillé dans son Histoire de Montdidier raconte qu'en 1632 des cultivateurs trouvèrent dans la banlieue vers le Mesnil "de gros et grands fondements de pierres dures bien taillées, des tuiles d'une épaisseur et d'une grandeur extraordinaires, en grande quantité". Le maïeur Capperonnier, accompagné des échevins, procureur, etc, se transportent sur les lieux : car on croyait que Montdidier s'étendait jadis jusqu'au Mesnil St Georges et on croyait trouver des preuves de cette assertion. Ces vestiges de constructions et surtout la nature de matériaux prouvaient simplement qu'il avait jadis existé en cet endroit une habitation gallo-romaine.
Une meilleure preuve de l'ancienneté du Mesnil, c'est que, dès 1446, sous l'épiscopat de Thierry, év. d'Amiens, le patronage de la paroisse de St Médard de Montdidier et du Mesnil qui en dépendait avait été accordé au prieuré de N.D. de Montdidier. Une bulle du pape Urbain III en 1185 portait confirmation dudit patronage et accordât en plus les dîmes. Nous reparlerons plus loin des liens qui unissaient St Médard et le Mesnil.
Ce lieu a fait partie d'abord des terres de la Grande Tournelle : ceci ressort d'une donation faite en 1216 aux hôpitaux de Montdidier et à l'église St Pierre par Renaud Quovadis. Renaud dut recevoir ce surnom au moment où il songea à partir pour les pays d'outre-mer, peut être pour prendre part à la cinquième croisade . "transmarinas partes volens adire." Il donnait pour le cas où il viendrait à mourir, deux mines de blé, deux mines d'avoine, et 100 sols parisis d'argent à prendre sur la terre du Mesnil qu'il tenait de Pierre de la Tournelle ". ad totam terram quam in territorio de Maisnil terret de domino Petro de Tornella". Les témoins étaient Baude du Mesnil, Raoul Petit et Gérard de Fontaines.
Pendant un long intervalle, on ne trouve plus aucune trace des seigneurs du Mesnil. Un extrait d'une généalogie des d'Hangest, dressée par un membre de cette famille en 1722 et reproduite par Mr de la Fons de Mélicoq dans la revue "La Picardie" (1862 p.45), nous apprend que les branches des d'Hangest d'Artois [de Hangest portait : échiqueté d'argent et de gueules, à la bande d'azur chargée de 3 coquilles.] possédait dès la fin du XVe siècle la terre du Mesnil.
Bon de Hangest, écuyer, était en effet seigneur du Mesnil en 1505. Il avait épousé Marguerite de Brouilly, fille d'Antoine II, seigneur de Mesvillers (Piennes) et de Marie de Caix. A la mort de sa femme, Bon reçut la prêtrise et fonda la chapelle castrale : elle était attenante à l'église. Elle est en face de la sacristie actuelle et forme un réduit obscur, servant de lieu de débarras. Au milieu des débris qui l'encombraient, Mr Hourdequin a jadis trouvé une statue de Ste Marguerite, de bon style, qu'il a transportée dans son musée.
C'est ce même Bon qui bâtit le château dont il ne reste aujourd'hui qu'un corps de bâtiment avec une tourelle octogone au centre d'assez bel effet.
Bon de Hangest fut enterré dans le chœur de l'église : on y voit encore sa pierre tombale ; malheureusement, la figure et l'inscription sont presque entièrement effacées.
La terre du Mesnil resta entre les mains des seigneurs de
Mesvillers ; en dernier lieu, elle appartenait à Louis duc d'Aumont*, à cause de
sa femme Olympe de Brouilly. C'est lui qui en 1706 échangea des terres qu'il
avait dans le parc de Versailles contre le fief de la Salle du Roi, à Montdidier : ce qui lui donnait le droit de se dire Comte de Montdidier (voir
Assainvillers).
*d'Aumont portait : d'argent au chevron de gueules, accompagné de 7 molettes de
même, 4 en chel, 3 en pointe.
Il y avait sur le territoire du Mesnil des fiefs assez nombreux : nous citerons d'abord le fief de Pommeroy qui fut acquis par la maison de Hangest.
Le fief de Damery, consistant en quelques maisons et jardins : il relevait de la Salle du Roy.
Le fief de Bourges, possédé en 1567, par Me Jean Le Caron,
écuyer : il prenait le titre de seigneur du Mesnil. En 1766, les 2/3 de ce fief
appartenait à Mr Bosquillon* de Bouchoir, écuyer, chevalier de l'ordre militaire
de St Louis, et l'autre tiers à MM de Baillon et Le Pot, d'après Scellier. Il
relevait des Grandes Tournelles.
*de Bosquillon portait : d'or à une fasce écartelée d'azur et d'argent.
Enfin le fief des Cocqueletz, qui dès le XVIe siècle appartenait à la famille des Petit. En 1665, il était entre les mains de Pierre Petit, conseiller du roi, receveur des aides de l'élection de Montdidier et ancien maïeur de ladite ville. Il était de la même famille que le fameux Antoine Petit dont nous parlerons plus bas. On voit dans l'église St Pierre le portrait de Pierre Petit, en costume de maire. Il est représenté la tête nue, la barbe longue, les mains jointes, vêtu d'une robe à larges manches et petit collet rabattu ; il est agenouillé en face d'une table recouverte de velours qui portent les armes des Petit. Au dessus, on lit : oetatis suae 40, et plus bas la date : 1665. Par son testament, il fonda un obit dans l'église du Mesnil.
Le village du Mesnil a fait partie jusqu'à la Révolution de la paroisse St Médard de Montdidier. Le curé de St Médard, outre la portion congrue de 250 livres que lui payaient les bénédictins de N.D. et 7 quartiers de terre dont il jouissait au faubourg à titre d'indemnité de logement, touchait au Mesnil 20 setiers de grains, 1 tiers en blé et 1/3 en avoine, payés par le seigneur du Mesnil. Il avait en outre la jouissance de 8 journaux de terre pour acquit de fondations.
D'après la déclaration faite le 20 avril 1728 par le curé, Mr Joseph d'Enguillaucourt, le revenu de la cure, déduction faite des charges, s'élevaient à 144# 16s. Le prieur de N.D. à cause de St Médard avait deux parts des grosses dîmes ; la maladrerie jouissait d'une autre part. 1/4 de la dîme était inféodée au seigneur de Piennes.
L'église possédait 100 journaux de terre à la sole, 8 à 10 journaux de vignes et quelques bois.
Le dernier curé titulaire résidait au Mesnil. Il était obligé, comme ceux de Montdidier, d'être maître ès art, titre correspondant à celui de bachelier ès lettre d'aujourd'hui.
L'église, sous le vocable de St Georges, a la forme de croix latine à l'extérieur : les bras du transept sont fermés à l'intérieur par un mur. L'église, bâtie en pierres blanches semble dater du XVIe siècle. La charpente est apparente à l'intérieur ; les poutres ont été taillées et ont reçu quelques ornements. Celle qui est à l'entrée du chœur supporte un Christ accompagné des statuettes de la Ste Vierge et de St Jean et présente une frise délicatement sculptée. De la gueule de deux animaux placés aux extrémités de la poutre sort un enroulement de feuillage très fouillé : vers le milieu se trouvent deux salamandres.
Un baldaquin se trouve au dessus du maître autel.
Les fenêtres étaient autrefois garnies de vitraux coloriés et de nombreux blasons. On en trouve le détail dans l'article dont nous avons déjà parlé ("La Picardie", p.40 1862). Cette description fait vivement regretter la perte de ces verrières. Scellier, parlant des armoiries qui se trouvaient dans l'église du Mesnil, cite, entre autres, celles de France, du duc de Lorraine, gouverneur à cette époque de la province. Ce qui prouve, dit-il, qu'ils avaient contribué à la construction ou à la réparation de cette église. Car c'était l'usage, surtout au XVe et XVIe siècle, où la peinture des vitraux étaient très en vogue, d'y mettre les armes de tous les bienfaiteurs.
A la fenêtre gauche du chœur se trouvent les seuls débris
échappés du vandalisme révolutionnaire. Le donateur à droite et sa femme à
droite avec leur fille sont agenouillés : au milieu St Georges ou St Mathieu
plutôt tient sur ses genoux une banderolle portant cette inscription : .
On a adapté à ce personnage, dans une restauration maladroite, une tête qui ne
lui appartient pas. Les armes qui sont au dessous et une inscription en
caractères gothiques nous font connaître le nom de la famille et les donateurs.
L'écusson porte : d'azur à la fasce d'or, chargé d'un croissant montant de
sable, accompagnée de deux étoiles d'or en chef et d'une coquille de même en
pointe. Ce sont les armes des Petit indiqués d'ailleurs comme il suit :
mathieu petit et catherine ont donné
en l'an de grace mil vc 3 p. pour eulx (1503)
Ces mêmes armes sont reproduites au 1er pilier de droite du chœur de St Sépulcre et aussi à St Pierre, sous le portrait du maïeur Pierre Petit : elles rappellent qu'il fut le bienfaiteur de ces églises.
Les fonds baptismaux sont anciens. La cuve carrée est portée sur une grosse colonne ronde munie de griffes à sa base (V. in finem les noms des curés).
L'église possède de nombreuses pierres tombales. Outre
celle de Bon de Hangest, dont il a été fait mention déjà, on voit dans l'allée
de la nef, à l'entrée du chœur, une autre pierre portant l'effigie au trait
d'une femme, avec encadrement et ornements malheureusement à moitié effacés.
L'inscription nous apprend que sous cette pierre
" Cy gist Anne Cauvel vivante veuve de .. Petit, scientifique personne en son
vivant, sire des Cocqueletz et docteur en médecine, laq. décéda le 16e jour de
septembre 1637. Priez Dieu pour son âme".
Vers le haut de la pierre sont deux écussons dont on ne distingue plus les
détails : l'un, tout à fait effacé, devait porter les armes des Petit ; l'autre
porte les armes des Cauvel.
L'épitaphe de la pierre voisine, gravée en caractères gothiques, est encore très lisible :
Cy gist le corps de hono
rable homme Adrien Grault
naguère receveur de la prioré
Nostre Dame de Mondidier,
Laboureur demeurant au
Misnil Sainct George lequel
Trepassa le onzième jour
d'Octobre mil six cens onze
Priez Dieu pour son âme.
Puis se trouve une tête de mort, accompagnée de fémurs en sautoirs et au dessous on lit ces vers latins :
Quis quis ades, qui morte cades, me respice, plora ;
Sum quod eris, fui quod es, cinis, precor, ora.
Le second vers est la reproduction fautive de l'inscription qui se trouve dans la cathédrale d'Amiens et qui porte :
Sum quod eris, modicum cineris pro me precor, ora.
Enfin, dans le mur de gauche de la nef se trouve encastrée une pierre tombale en parfait état de conservation. C'est celle d'un fameux médecin, né au Mesnil. Il s'appelait Antoine Petit. Elle est bordée d'un encadrement gravé avec ornements dans le style de la renaissance. Sur une tablette accompagnée d'anges pleureurs, assis à côté de cornes d'abondance et de torches renversées, on lit :
ANTONII PETITAEI
DOCTORIS MEDICI
CELEBERRIMI
EPISTAPHIUM
En bas est un cartouche avec cette supplication :
Priez pour l'âme de Me Anth. Petit.
Dans l'encadrement, se trouvent les beaux distiques latins qui suivent :
Parua Petitaei tellus legit sepulti
Qui magnus medica Doctor in arte fuit
Maturum ante annos maturos namqz libellum
Conscripsit Criticos edocuitqz dies
Cumqz foret linguae Grecae Latiaeqz peritus
Inqz Mathematicis tritus adhuc iuunis
Succinti Hippocratis pariter laxiq Galeni
Publicus interpres, fata aliena morans
Ipse sibi vimio properavit fata labore.
Octo annis addens lustra bis acta duo
Qualis Parrisia periit spes messis in urbe
Cui tales fruges edibit herba virens !
Viennent ensuite six vers grecs écrits en lettres majuscules :
MNHMA PETITAEI MIKPETONUMOU ALLA MEGISTOU
KAI TAKAT EUKLEILHN KAI TAKQ PPIOKRATHN
OG LOON OS K EIKOSTONETOS MOLIS ENTELESHITE
KAIPS OI SO FIHS EKTETELSTO DROMOS
WBIOS AUTOTELHS TOUTW MEN ALIS BEBIWTAI
AUTW TOIS D ALLOIS KLAIETAI WKUMOROS
Nous donnons le sens de cette dernière inscription pour
ceux à qui la mangue grecque est moins familière :
"Monument de Petit, petit de nom, mais très grand et dans la science d'Euclide
(mathématiques) et dans celle d'Hypocrate (médecine). Il vécut à peine vingt
huit ans. Déjà il avait parcouru toute la carrière de la science. Il a eu une
existence , assez complète pour lui, mais trop courte pour les autres, qui
pleurent sa fin prématurée".
Au dessous des vers grecs, on lit : Obiit 4 Idus Augusti 1576 (ou 1566). Tout au bas de l'épitaphe, deux écussons : l'un à gauche porte un lion rampant sommé d'un chef chargé de 3 étoiles. Nous ne savons pas de qui sont ces armes. L'autre à droite porte les armes des Petit déjà décrites.
Nous trouvons quelques détails biographiques sur ce célèbre médecin dans le P. Daire. Il nous apprend qu'il naquit au Mesnil. Si Antoine Petit se dit d'Amiens en quelques endroits de ses écrits, c'est qu'il préférait par amour propre passer pour être né dans la capitale de la province que dans une petite paroisse inconnue. Il était comme nous l'indique son épitaphe, docteur en médecine. Il appartenait à la faculté de Paris, mais il n'était pas le contemporain de Fernel de Montdidier, comme l'annonce à tort le P. Daire. Fernel était mort quand Antoine Petit se fit connaître. On est fixé sur la date de son décès par celle qui est gravée sur la pierre tombale.
Fut-il enterré à Paris dans l'église St Etienne du Mont comme le dit Mr de Beauvillé ? ou le fut-il dans celle du Mesnil, comme l'affirme le P. Daire ? Mr Goze pense qu'il est peu probable qu'on ait envoyé au Mesnil l'épitaphe toute gravée alors que l'on aurait enseveli le corps à St Etienne. Il ajoute qu'en parcourant la liste des noms des personnes enterrées dans l'église St Etienne, on trouve bien des Petit, mais pas Antoine Petit, qui à cause de sa notoriété, aurait eu certainement une mention spéciale. Nous penchons pour l'opinion du P. Daire et de Mr Goze.
Antoine Petit a laissé un ouvrage sur les crises. Il se
trouve à la bibliothèque d'Amiens (n° ). Il porte pour titre :
Antonii petitaei crisimerologion, au dierum crisimorum ratio ad amphisinum
medicorum parisiensum ordusem.
Ce traité parut en 1576 chez Rovillé in 8°. Il fut réimprimé à Amiens en 1665,
in 12 de 102 pages, par Adrien de Gouy. Cette nouvelle édition fut dédiée à
Pierre Petit, de la famille d'Antoine, avec cette mention : Petit à Petit.
L'exemplaire de la bibliothèque d'Amiens contient au commencement des vers
latins et une épigramme en vers de Henri Monanthel, de Reims. Voici les vers
latins :
Nil habuit Phoebi ingeniosa obscurius usquam
Ars, crisimoque die terrificaque crisi.
Queis dubium est medicus : doleatve incertior aeger
Ille quidem causae, sed necis iste suae.
Jam nihil obscurum est, opere hoc Petitaeus utrumque
Non finit esse inter spemque metumque diu.
Dans l'épigramme du même il est dit "qu'aux autres médecins il donne de l'argent; qu'à lui (Petit), le premier des médecins, il donne une couronne de lauriers".
Un autre Petit, Adrien, parent, peut-être frère du précèdent, se distingua par son mérite et son savoir. Il avait embrassé l'état ecclésiastique et mourut en 1596. Son épitaphe dit entre autres choses :
Ille sacerdotum speculum sine labe piorum
Ille Petitaeus, religionis honos,
Omnes in patriâ quem delescere Picardi
Ob sanctos mores, eximiamque fidem,
Qui studium multis prodesse, nocere nec ulli.
..
Nam quotiessacris a rebus cumque vacaret
Cultibus arboreis otia lenta dabat,
Arte ferens summâ quâ possent mala nepotes
Carpere plusquam annis utilis ipse suis
Cura sacerdotis studio dignissima sancti
Qualem Silvicola non renuere viri.
L'éloge nous semble complet. Il nous plaît de voir ce prêtre modèle, l'honneur de la religion, après avoir accompli avec charité les devoirs de son ministère, s'occuper dans les moments de loisir de la taille des arbres de son jardin, et souriant avec complaisance à la pensée des beaux fruits que lui devraient ses petits neveux.
Nous voulons en terminant dire un mot des Maupetit, habitants du Mesnil, qui s'acquirent au XVIIIe siècle un autre genre de célébrité : ils étaient quatre frères redoutés dans la région par leurs vols et leurs brigandages. Arrêtés dans l'église même du Mesnil, le jour de Pâques (1710) par les soins du lieutenant criminel, ils furent conduits à Montdidier où leur procès fut instruit. Telle était la terreur qu'ils inspiraient qu'il fallu un monitoire pour forcer les criminels à comparaître. Le magistrat du village qui avait été le complice des Maupetit fit des révélations accablantes. Le plus jeune des quatre frères n'avait que seize ans : il dut à son âge de n'être condamné qu'aux galères à perpétuité. Les autres furent pendus le 3 janvier 1711 à une seule et même potence dressée en face de l'Hotel de Ville.
Dans les notes dont il a enrichi les registres, le curé de Fignières parle de la procédure qui fut instruite contre les Maupetit. Il croit (est il dit) que St Jean l'un d'eux n'était pas coupable : son accusateur demanda pardon et protesta jusqu'à son dernier soupir de l'innocence de celui qu'il avait fait condamner. Parlant du lieutenant qui les avait arrêtés, de la Villette, le curé dit qu'il mérita des lettres d'anoblissement, mais que Dieu sembla le punir en ne lui donnant pas d'enfants. Deus concluserat vulvam uxoris ejus, dit le manuscrit.
Il ne reste plus qu'à donner les noms des principaux lieux dits : Les Ebouloirs - la Vallée Polacre, du nom des polonais, polak, qui servaient en 1636 dans l'armée impériale : c'est non loin du Coupe-gorge, où cette même année un parti d'Espagnols fut surpris - La Haute Borne : reste de quelque menhir - Le Dieu de Pitié, en souvenir peut-être de quelque Ecce Home - La Fosse Greux - Les Vignettes - La Vallée sous les Vignes - Les Vignes - Les vieilles Vignes. Il y avait encore au siècle dernier 13 journaux de vignobles et on se donnait rendez-vous aux cabarets du Mesnil, pour y boire du vin du pays, "si naturel, nous disait-on, et à si bon marché" - Le Laris, terres en friche - Le Bois de Voyeux - Les Saules - La Montagne de la Longue Haye, etc.
Il y a une particularité assez curieuse au Mesnil : les fonctions de maire sont comme héréditaires et sont, depuis cent ans, l'apanage d'une seule famille. On s'en convaincra par la liste qui suit :
1792 .. Catonnet, officier public
An III Pierre Labitte, agent municipal, puis maire.
An X Jacques Augustin Labitte
1837 François Augustin Labitte
1866 Alexandre Quentin Benjamin Labitte.
Une vraie dynastie.
Réparons une omission que nous avons faite en parlant de l'histoire religieuse du Mesnil et de l'église.
Le clocher, peu élevé, renferme une cloche fondue en 1766.
Elle porte cette inscription :
L'an 1766, j'ai été bénite par Me Pierre Mallet, curé de cette paroisse et
nommée Louise Thérèse par Me Louis Paul Maillard, écuier, fourrier des Logis du
Roy, seigneur de Bourges, et par dame Marie Thérèse Le Clercq de Ricamel (?),
dame de Bourges, épouse de Me Claude Bosquillon de Bouchoir, ancien brigadier
des gardes du corps, écuier, chevalier de l'ordre militaire de St Louis et C.
Augustin Léger Hainselin, marguillier.
Et plus bas : Florentin Cavillier, fondeur.
Quant aux curés du Mesnil, voici ceux dont les noms sont connus :
1302 Robert d'Onvillers
..
1692 Claude Degrandpré
1701 Jean Trespaigne, qui signe desservant le Mesnil St Georges, hameau de St Médard.
1711 Joseph D'enguillaucourt
1749 .. Flon
1750 Pierre Mallet. Ce fut le dernier curé du Mesnil.